3. D'abord écouter
Dernière mise à jour : 29 janv. 2023
Des célébrations prophétiques
pour une Eglise signe de salut crédible
dans un monde en crise
3. Dans des relations où chacun veut avoir raison, sans écouter l’avis des autres,
dans une société où combat et rejet rendent si difficile dialogue et négociation, CÉLÉBRER ET ÉCOUTER D’ABORD LA PAROLE ET LES AUTRES
Qu’il est difficile de s’écouter dans la cacophonie du monde ! Difficile de s’entendre dans le vacarme de nos sociétés ! Difficile de se parler avec nos proches quand nos écouteurs nous branchent aux réseaux sociaux en permanence ! Difficile de ne pas s’interrompre et de ne pas s’apostropher ou se juger quand on est en désaccord et que nous ne prenons pas le temps d’écouter tellement nous voulons convaincre ! Difficile même de trouver des lieux de silence et de calme pour se mettre à l’écoute de soi-même…
L’assemblée qui célèbre se met d’abord à l’écoute de la parole d’un Autre.
La foi des chrétiens se nourrit de l’accueil d’une Parole Vivante et vivifiante : enracinée en celui qui s’est présenté comme le Verbe de Dieu et dans les écrits des premiers témoins.
C’est toujours cette même Parole que les chrétiens de tous les âges et de toutes les régions du monde ont écoutée et accueillie en dialogue avec leurs cultures multicolores, avec les évènements de l’histoire des peuples et de chaque individu, avec les philosophies et les sagesses de tous les continents. Ainsi se développe depuis 21 siècles la grande Tradition d’une Eglise au cœur du monde, se laissant traverser par la Parole unique comme un vitrail multicolore est traversé par le soleil.
Chaque chrétien s’ouvre et se laisse traverser par cette Parole, toujours autre et toujours traversant ce que je suis : c’est en chacun que cette Parole rentre en résonnance avec ce que je suis, avec mes valeurs et mes aspirations, avec mes découvertes et mes questionnements, avec ma vie quotidienne et ses événements petits et grands, avec mes relations difficiles ou bienveillantes…
La foi des chrétiens n’est pas d’abord l’adhésion à une doctrine, ni à des principes et à des réglementations écrites et décidées par ses chefs.
La Parole n’est pas faite pour rester dans les églises, mais pour illuminer le monde.
L’interprétation de cette Parole n’est pas réservée aux responsables des communautés, mais à tous et chacun. La mission des ministres ordonnés est précisément de veiller à ce que ces différentes interprétations de la Parole restent en cohérence avec l’Evangile et en dialogue les unes avec les autres, construisant ainsi la communion fraternelle !
Cette parole de l’Ecriture, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit. ( Lc 4, 21).
ECOUTER LA PAROLE
Dans toutes les célébrations, la Parole est proclamée et écoutée. Il s’agit bien de la PROCLAMER et de l’ÉCOUTER, et non pas de la LIRE : comme dans un spectacle on écoute et regarde le chanteur, sans lire les paroles du chant. Comme lorsque parle une personne importante, chacun a son regard, ses oreilles et sa pleine attention tournée vers celui qui parle, et non vers le texte remis aux journalistes !
Le texte officiel de l’Eglise qui présente la célébration eucharistique dit bien : Lorsqu´on lit dans l'Église la sainte Écriture, c´est Dieu lui-même qui parle à son peuple, et c´est le Christ, présent dans sa parole, qui annonce l’Évangile. C´est pourquoi les lectures de la Parole de Dieu (…) doivent être écoutées par tous avec le plus grand respect. (PGMR n° 29).
Si le Pape venait parler dans l’église un dimanche, tous auraient les yeux fixés sur lui et écouteraient attentivement cet homme qui parle. Et quand Dieu parle dans notre assemblée par la bouche du lecteur, pourquoi nous enfouissons-nous dans notre livret ?
Cela suppose bien sûr que la sonorisation permette à chacun d’entendre, et que le la lectrice ou le lecteur par la bouche duquel Dieu va parler prenne le temps de se déplacer, regarde l’assemblée à qui il va parler avant de regarder son livre. Pour que Dieu parle à chacun par sa bouche, le lecteur ou la lectrice ne peut se contenter de lire rapidement un texte : il le proclame comme une parole vivante, sans faire de théâtre, et lentement pour que les auditeurs aient le temps de laisser résonner en eux la Parole.
Car dans les lectures, que l´homélie explique, Dieu adresse la parole à son peuple[58], il découvre le mystère de la rédemption et du salut et il offre une nourriture spirituelle; et le Christ lui-même est là, présent par sa parole, au milieu des fidèles[59]. Cette parole divine, le peuple la fait sienne par le silence et les chants, et il y adhère par la profession de foi ; nourri par elle, il supplie avec la prière universelle pour les besoins de toute l´Église et pour le salut du monde entier. (PGMR n° 55).
Quelle belle écoute active qui permet d’écouter et d’accueillir la Parole, d’entrer en dialogue avec elle en y répondant par notre adhésion et en en répercutant les sons et les effets bénéfiques sur tous les hommes qui nous entourent !
Les textes de la page précédente sont extraits de la « Présentation Générale du Missel Romain, texte officiel de l’Eglise Catholique imprimé au début de tous les missels d’autel présentant le sens et la manière de célébrer la messe selon le rite de Vatican II.
Voir la totalité du texte ici :
https://www.vatican.va/roman_curia/congregations/ccdds/documents/rc_con_ccdds_doc_20030317_ordinamento-messale_fr.html Voir des extraits ici :
PARTAGER LES RÉSONNANCES DE LA PAROLE
A la Pentecôte, les juifs sont ébahis par ces chrétiens : chacun d’eux entendait dans son propre dialecte ceux qui parlaient. (…) Parthes, Mèdes et Élamites, habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, de la province du Pont et de celle d’Asie, de la Phrygie et de la Pamphylie, de l’Égypte et des contrées de Libye proches de Cyrène, Romains de passage, Juifs de naissance et convertis, Crétois et Arabes, tous nous les entendons parler dans nos langues des merveilles de Dieu. (Ac 2, 8-11)
Quand des personnes non pratiquantes viennent dans nos églises pour un baptême, un mariage, un enterrement, peuvent-ils en dire autant : Tous, nous les entendons parler dans nos langues des merveilles de Dieu ? Prendre avec eux le temps de l’accueil et de l’écoute permettra de chercher ce qui est Bonne Nouvelle pour eux . Il sera alors plus facile de parler leur langue à eux, pas seulement le créole ou le français, mais la langue de leurs joies et de leurs peines, de leurs espoirs et de leur détresse, la langue de ce qui donne sens à leur vie…
Pourquoi tant de gens aujourd’hui disent-ils qu’ils ne comprennent pas le langage de l’Eglise, qu’ils ne s’y retrouvent pas et finissent par ne plus y venir ?
Faut-il essayer de les convaincre de nous rejoindre ? Ou faut-il les rejoindre là où ils sont, souvent aux marges, et révéler les merveilles de Dieu en parlant le langage des questionnements et des aspirations des hommes de ce temps ?
Et même à l’intérieur des communautés chrétiennes, quels sont les lieux où nous pouvons partager entre nous, et écouter comment chacun entend dans sa langue les merveilles de Dieu ? S’écouter mutuellement pour se soutenir, et pour bénéficier de la riche diversité des résonnances d’un Dieu qui parle à chacun !
ECOUTER LA PAROLE DU MONDE
Il ne s’agit pas seulement de parler la langue des autres. Il s’agit aussi de les écouter, tout autant que nous écoutons la Parole de Dieu. Quand des personnes viennent nous demander un baptême, un mariage, des obsèques, le plus urgent n’est pas d’expliquer comment ça va se dérouler, mais de s’ouvrir à ce qu’ils sont : que disent-ils ? quel sens donnent-ils à leur démarche ? comment les accompagner ?
Quand des parents viennent inscrire leurs enfants au catéchisme : quelles sont leurs préoccupations et leurs questions, leurs joies et leurs difficultés de vivre ? Comment les rejoindre là où ils sont pour qu’ils entendent dans leur langue à eux un message qui éclaire leurs questions et leur vie…
Quand nous intervenons à la radio ou à la télévision sur les grandes questions morales, économiques ou politiques, celles et ceux qui nous écoutent nous entendent-ils parler dans leur langue, dans leurs questionnements, dans leurs difficultés ou leurs espoirs ?
Quand Jésus rencontre un malade ou un aveugle, avant toute chose, il se met à leur écoute et demande : Que veux-tu que je fasse pour toi ? (Luc 18,41).
Et le ressuscité n’attend pas que les disciples viennent à lui ! Il les rejoint sur leur chemin de nuit et de désespoir et leur demande : De quoi discutez-vous en marchant ? Puis il les écoute d’abord, marchant à leurs côtés dans leur nuit et leur tristesse, avant de leur annoncer la Parole qu’ils ne comprendront que plus tard ! (Luc 24, 13-34)
NOTRE ÉCOUTE AU QUOTIDIEN : SIGNE DE SALUT POUR LE MONDE
dans nos célébrations, écouter vraiment la Parole qui se proclame, écouter vraiment dans le silence et sans précipitations ;
en chantant pendant les célébrations, instaurer du dialogue : se répartir les couplets entre hommes et femmes, entre adultes et enfants… alterner écoute et chant, et devenir une communauté en dialogue où chacun a son temps de parole et prend le temps d’écouter les autres ;
dans la cacophonie du monde, dans les rejets et les conflits, se mettre à l’écoute pour transformer le combat en débat ;
en famille, éteindre parfois la radio et la télévision pour donner plus de chance et plus d’écoute à la parole de chacun, au dialogue, à l’accueil de ce qui fait la vie des uns et des autres ;
en ballade ou en randonnée, laisser parfois nos écouteurs et nos podcast pour écouter le vent, les oiseaux, le bruit des feuilles et toute la nature ;
dans les bouchons sur nos routes, écouter un podcast, une émission culturelle ou spirituelle, une musique relaxante, les informations du monde… ;
avant de vouloir convaincre et faire comprendre, accepter d’écouter les points de vue différents ;
dans nos dialogues au quotidien, laisser l’autre aller au bout de ses phrases plutôt que de l’interrompre sans cesse ;
écouter vraiment pour entendre et non pas écouter pour répondre ;
s’écouter soi-même, laisser de temps en temps nos écouteurs et nos connexions pour se mettre à l’écoute de notre musique intérieure, de nos désirs, de nos aspirations, et leur faire confiance ;
Etc.
Écoute, écoute, surtout ne fais pas de bruit, on marche sur la route, on marche dans la nuit ! Ecoute, écoute les pas du Seigneur vers toi : il marche sur ta route, il marche près de toi ! Ils sont venus les mains ouvertes Pour accueillir l'amour. Ils sont venus chercher des frères pour habiter l'Amour
Chant de Claude ROZIER et Michel WACKENHEIM
Marc THOMAS - parole-semee@orange.fr
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