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Photo du rédacteurMarc THOMAS

4. "Agir" la grâce

Des célébrations prophétiques

pour une Eglise signe de salut crédible

dans un monde en crise




1. Dans un temps d’incertitude et de méfiance qui génère peurs et lamentations,

dans un climat relationnel de plaintes, de reproches, d’accusations, de dénigrement,

CÉLÉBRER ET VIVRE LA GRATITUDE : RENDRE GRÂCE et « AGIR » LA GRÂCE


Dans un monde inquiétant et parfois violent, qui fait peur et déclenche des "sauve-qui-peut"

Dans une société divisée par les invectives, les insultes, les rejets…

Dans des relations de domination et de soumission, de prises de pouvoir illégitimes, d’écrasement du pauvre et du faible par le riche et le puissant...


Dans ce monde-là, les chrétiens célèbrent l’Eucharistie, c’est-à-dire l’action de grâce et l’alliance ; ils chantent merci et gratitude ! Sommes-nous de doux rêveurs ?


Le mot Eucharistie signifie « rendre grâce », « exprimer sa reconnaissance » pour le don reçu.

En grec profane, c'est le mot charis (χ́αρις) qui désigne la grâce. Il signifie originellement – et ceci est décisif pour la coloration du mot – ce qui brille, ce qui réjouit (Encyclopédie Universalis).

Ce mot « charis » a donné en français « charisme », mais aussi « charme ».


Il y avait» le grec εὐ-αγγέλιον : « Ev-angile, c’est-à-dire Bonne Nouvelle. Et voici le grec εὐ-χαριστία : « Eu-charitie », c’est-à-dire bonne grâce, rendre grâce. Du préfixe grec « Eu », c’est-à-dire « bon » ! « Et Dieu vit que cela était bon ! » (Gn 1).


La célébration de l’Eucharistie est toute entière action de grâce, à la fois accueil et reconnaissance de cette grâce de la vie reçue, partagée, donnée…


C’est la grâce, c’est-à-dire c’est « gracieux » et « gratuit ». « Gratitude » pour ce don !


C’est une action de grâce, c’est-à-dire une action où nous agissons : en nous déplaçant pour y participer, en se saluant pour la communion fraternelle, en écoutant la Parole de Dieu et la parole des autres, en chantant, en nous levant, nous asseyant, nous agenouillant, en apportant le pain et le vin « fruits de la terre et du travail des hommes », en mangeant le pain et en buvant la coupe, en ouvrant les mains pour donner et pour recevoir… C'est ce que j'appelle "agir la grâce"


Nous rendons grâce dans une lit-urgie, étymologiquement λειτουργία de « laitos » : public et « ergon » : œuvre. Mot qui désigne, dans la Grèce classique, l’obligation que la cité impose aux citoyens dotés d’un certain revenu de pourvoir à une série de prestations d’intérêt commun et donc : service public, œuvre du peuple et pour le peuple, action publique (action : urgie, comme chir-urgie)... "Agir la grâce".


Il s’agit de rendre grâce pour la vie reçue, non pas d’abord comme un droit mais comme un don et un cadeau. Il s’agit pour les chrétiens de reconnaître en Dieu le donateur, le créateur, la source. En communion fraternelle avec tous ceux et celles qui ne croient pas en Dieu mais cherchent à rejoindre au plus profond d’eux-mêmes la source qui irrigue notre vie, la lumière qui illumine nos obscurités. Foi différente, mais attitude commune d’une vie reçue comme un don précieux dans nos vases d’argile.


L’assemblée qui célèbre communie, dans l’action de grâce, au trésor de l’amour comme un pain partagé, comme un vin de fête et d’alliance.


PROPHÈTES D’UN MONDE DE GRÂCE


Les chrétiens qui célèbrent ainsi sont-ils de doux rêveurs ? Au cœur d’un monde violent et déchiré, ils veulent tenir ensemble les deux opposés qui font la vie :


d’abord et toujours reconnaître la vie comme un don gracieux et gratuit, toujours reconnaître, comme Dieu à la création, que « cela était bon », que la vie est faite pour s’épanouir,


et à cause de ce regard positif, prendre à bras le corps notre souffrance, et prendre à bras le corps la souffrance des hommes, aller rejoindre avec amour (parfois en nous) le petit, le pauvre, l’étranger, le malade, le rejeté pour restaurer sa dignité et donner réalité au salut promis.

Non pas doux rêveurs désincarnés chantant des louanges célestes à l’abri des bouleversements du monde, mais prophètes engagés concrètement pour la justice et la paix, proclamant, envers et contre tout, la puissance de l’amour, le salut possible pour l’humanité dont la responsabilité est dans nos mains.


Célébrations prophétiques de l’action de grâce, actes fous et prophétiques, au cœur de la désespérance humaine, des Gandhi, Luther King, Abbé Pierre, Mère Teresa et tant d’autres ! Où la fragilité du colibri humanise les champs de bataille, où l’amour délicat opère des miracles dans la détresse. C'est cela que j'appelle "agir la grâce"


INCUBATEURS D’ACTIONS DE GRÂCE


A condition que nous ne demandions pas à Dieu d’agir à notre place, et que nos prières ne demandent pas à Dieu de « procurer du pain à ceux qui n’en ont pas », mais nous redonnent l’énergie de planter, de faire fructifier, de transformer, de partager


A condition que nos louanges ne célèbrent pas seulement un Dieu céleste, mais reconnaissent et chantent la louange de ces hommes et de ces femmes qui construisent le salut à la force du poignet, de leur foi et de leurs convictions…


A condition d' "agir la grâce" , c’est-à-dire de poser des actes de grâce : actes du quotidien, gracieux et gratuits, qui génèrent la gratitude de tous les mercis, parce qu’ils produisent du bien, du bon, de l’amour, de la joie, et tant de petits bonheurs au milieu des dévastations, comme autant d’étoiles dans la nuit noire…


Dans la simplicité des actes quotidien, devenir prophètes et constructeurs de la grâce…


ET NOS VIES DEVIENNENT EUCHARISTIE POUR LE SALUT DU MONDE

  • quand je sais dire « merci » ;

  • quand je peux me réjouir du progrès et du bonheur de l’autre ;

  • quand je fais un signe ou un sourire à l’automobile qui me laisse traverser ;

  • quand en traversant l’épreuve, je sais appeler à l’aide ou prendre la main tendue, et quand je réussis à garder confiance en l’opportunité nouvelle qui vient ;

  • quand je ne me lamente pas des feuilles qui tombent en automne, mais je sais voir les bourgeons de la vie nouvelle qui provoquent leur chute ;

  • quand les imprévus de la vie ne me tétanisent pas totalement, et me permettent de voir des portes inattendues qui s’ouvrent ;

  • quand je ne me lamente plus de mon vieillissement, mais que je rends grâce de l’expérience acquise et des découvertes faites tout au long des années ;

  • quand je peux dire stop à la submersion ou à la précipitation, et prendre le temps de me poser et de déguster le calme, le repos, l’amitié, l’affection… ;

  • quand je peux me libérer de ce qui m’enfume : mes addictions, mes dépendances, mes tourbillons personnels ou professionnels, mes relations toxiques… et me poser pour chercher en moi mon aspiration et mes capacités au bonheur ;

  • quand je peux lâcher prise sur un effort solitaire et épuisant, et expérimenter, au cœur de mes épreuves, le bonheur du soutien, de la solidarité, de l’amitié, de l’affection à portée de main et de cœur ;

  • quand je peux fêter enfin la sortie de la déprime, le retour à la santé, la réussite, l’espoir qui renaît, la chaleur d’un amour retrouvé ou reconstruit ;

  • Etc.


Alors nos vies deviennent Eucharistie,

nos vies sont une action de grâce, nos vies agissent la grâce, en nous et au cœur du monde, action de grâce prophétique du salut d’un Dieu à l’œuvre par nos mains.



Marc THOMAS









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