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Photo du rédacteurMarc THOMAS

Chiche ! 1. Posez des actes


Dans une société brutale, quelle attitude évangélique?


1. CHICHE ! Prouvez-nous que vous avez changé !



Dans cette série de 3 émissions,

je voudrais vous partager la manière

dont j’ai vécu les élections présidentielles

et dont je vivrai les élections législatives.


Je n’ai pas du tout l’intention d’entrer ici dans un débat électoral, surtout pas dans un combat où il ne s’agit que de dénoncer l’autre par tous les moyens, dans un langage souvent de jugement, de haine et de brutalité. Je voudrais seulement vous partager mes tentatives de réponse personnelle à la question suivante :


dans ce contexte brutal qui déclenche la violence et fracture la société,

comment se positionner de manière évangélique ?


Je prends ici le mot « démocratique » au sens où, dans une démocratie, chacun a la liberté d’être soi et d’exprimer ses choix et ses convictions, hormis la violence, dans l’écoute et le respect de la diversité des autres.


Pour moi, je ne me contenterai pas de bonnes paroles invitant à aimer tout le monde, je refuserai de me servir de l’Evangile pour juger tel ou telle candidat-e… Je cherche comment être évangélique en prenant au sérieux les tensions et les mécontentements et en cherchant à dire non à la haine et à la brutalité sans éviter le vrai débat.


Avant de commencer à répondre à cette question, je voudrais dire que j’ai été interrogé par la manière dont les réunionnais ont voté : au premier tour une majorité pour Jean-Luc Mélenchon, au deuxième tour une majorité pour Marine Le Pen.

Etonné de ce passage de la gauche à la droite, que certains appellent toutes deux extrêmes. Les réunionnais ne sont pas des girouettes qui passeraient au gré du vent d’un camp à l’autre. Il semble bien que ces votes signifient une seule et même chose : nous sommes mécontents, nous voulons l’exprimer fortement et nous votons surtout contre et pas d’abord pour.


Ces mécontentements et la gestion politique controversée des crises ont donc créé des tensions, des affrontements, et les réseaux sociaux débordent de prises de positions que je trouve violentes avec beaucoup de dénonciations et de jugements et bien peu de propositions de négociation.


Maintenant que les présidentielles sont passées, nous risquons de voir s’amplifier les tensions : les déçus des résultats risquent de ruminer la déception et la rancœur, ceux qui ont voté Macron, non pour soutenir son programme mais pour faire barrage à l’extrême droite risquent de se sentir en porte-à-faux et de développer de la méfiance, et ceux qui sont satisfaits d’avoir réélu M. Macron risquent d’oublier la grande majorité qui a exprimé son mécontentement.

Je précise donc ma question : maintenant que les présidentielles sont passées :

  • quelle posture évangélique pourrait favoriser une démocratie participative ?

  • quelle posture évangélique pourrait remplacer le combat par le débat ?

  • quelle posture évangélique pourrait restaurer un vrai dialogue où la majorité comme les minorités sont respectées, écoutées et entendues et où la concertation et la négociation permettent d’inventer des compromis et des solutions nouvelles ?


Cette émission et les suivantes tentent de répondre à ces questions de plusieurs manières :

  • aujourd’hui, j’interpelle les élus et je leur demande ce qu’ils sont prêts à changer pour respecter ceux qui ont fait d’autre choix.

  • la semaine prochaine, je nous interpellerai nous tous, déçus, méfiants ou satisfaits, pour voir ce que nous pouvons changer pour continuer à affirmer nos choix différents tout en réduisant les fractures de notre société.

  • et dans les émissions suivantes, j’essayerai de proposer de passer d’une culture de l’affrontement violent à une culture du dialogue constructif.

La première posture évangélique que j’ai trouvée pour moi-même a été d’écrire une « lettre ouverte au candidat Macron » au soir du premier tour. Et je vous propose ici d’écouter (et de lire sur mon blog « parole-semee.com ») le texte de cette lettre :


97419 LA POSSESSION, le 11 avril 2022

Monsieur Macron,

Je ne vous dirai pas ici pour qui j’ai voté au premier tour.

Je n’entrerai pas non plus dans les stratégies suicidaires

qui consistent à tout dénoncer ou à tout approuver.

Certaines de vos valeurs rejoignent les miennes et pas d’autres. Comme chacun de nous depuis 5 ans, vous avez fait des belles choses et vous avez commis des erreurs.

J’ai apprécié au soir du 1er tour votre expression d'ouverture et votre proposition d'inventer une nouvelle manière de travailler ensemble avec des personnes qui ont voté autrement, et qui vont voter pour vous, non pour vous soutenir mais pour faire barrière à toutes les droites nationalistes.


Mais je trouve que votre langage parle toujours de "convaincre les autres pour qu’ils vous rejoignent". Vous me semblez toujours être, comme certains religieux, dans la volonté de convertir et d’amener à vous ou à votre doctrine.


Pourriez-vous dire enfin que vous avez entendu et accueilli ce fait que plus de 20% de la population française (et environ 50% dans les DROM) ont choisi une autre manière de faire de la politique et de vivre ensemble, derrière M. Mélenchon. Et même 70% si j’y ajoute ceux qui se sont tournés vers les « petits » candidats, et ceux qui ont choisi de voter Marine Le Pen par conviction ou par dépit parce qu’ils ne se sentent pas entendus.


Je sais que Macron et Mélenchon ne sont pas politiquement compatibles. Et donc je ne veux pas rêver. Mais au lieu de commencer par convaincre les électeurs de vous rejoindre, pourriez-vous aller vers eux et vous mettre réellement à leur écoute, pas seulement le temps d’une campagne éclair, mais dans une posture durable, montrant :

- que vous reconnaissez et accueillez cette partie importante du peuple de France,

- que vous reconnaissez et accueillez ses déceptions et ses aspirations,

- que vous vous laissez interroger par le message des électeurs,

- que vous voulez vous mettre aussi à leur écoute,

- que vous allez chercher avec eux comment négocier, s'ajuster, coconstruire…

- et tout cela sans leur dire en préalable qu’ils devront vous rejoindre dans votre projet.


Cela légitimerait tellement votre gratitude exprimée à celles et ceux qui ont invité à voter pour vous pour faire barrière à Marie Le Pen...


Et cela serait aussi une manière de prendre à revers celles et ceux qui déversent leur haine anti-Macron sur Internet pour les mettre au pied du mur, eux-aussi : les appeler à passer des dénonciations et accusations toxiques et destructrices à des propositions constructives et négociées.


Ma posture peut paraître celle d’un doux rêveur. Elle est pourtant celle qui porte fruit dans les contextes hospitaliers ou maisons de soins où j’interviens, souvent comme médiateur ou accompagnateur, entre l’institution, les cadres et les soignants ou entre les patients, leurs familles et les soignants.


C’est aussi cette posture qui porte fruit quand j’interviens dans ma commune, en suggérant à Mme le Maire, qui aime comme vous aller vite, et parfois à sa demande, des initiatives pour instaurer la concertation entre élus et cadres.


Il me semble urgent de prendre des mesures et surtout de manifester une posture d’écoute qui ne soit pas masquée par votre foi en vos convictions et votre urgence de probable haut-potentiel à les partager.


Vous en avez le talent, et je souhaite que vous en ayez l’audace. Marc THOMAS


J’ai publié cette lettre sur mon blog et sur Facebook. Par diverses transmissions entre des amis, j’ai eu la surprise d’apprendre que ma lettre était arrivée à l’un des députés très proche de Monsieur Macron et dirigeant le parti « La République en marche ».

Par discrétion je ne communiquerai pas ici toute sa réponse mais seulement la première phrase qui en dit l’esprit : « (votre lettre) correspond exactement à ce que je ressens à l'issue de ce premier tour (…) Je la transmets avec plaisir (au candidat). »


Alors je me suis dit que, peut-être, les élus avaient commencé à entendre le mécontentement et à prendre en compte les colères et les rejets. Mais j’attendais que ça se traduise de façon plus explicite.


C’est dans cet esprit que j’ai écouté le discours au Champ de Mars de M. Macron au soir de son élection, et j’ai relevé ceci dans son discours :


« La colère et les désaccords doivent aussi trouver une réponse.

Cela sera de ma responsabilité et de celles et ceux qui m’entourent. (...)

Car le vote de ce jour nous impose de considérer toutes les difficultés des vies vécues et de répondre aux colères qui se sont exprimées (...)

Il nous faudra être bienveillants et respectueux,

car notre pays est pétri de tant de doutes, de tant de divisions.

Il nous faudra être forts, et nul ne sera laissé au bord du chemin. (...)

Cette ère nouvelle ne sera pas la continuité du quinquennat qui s’achève

mais l’invention collective d’une méthode refondée .» E. Macron


Alors beaucoup seront tentés de dire : « tout ça c’est des mots, il ne changera jamais ! ».

Ceux-là resteront dans une attitude méfiance (ce que je peux comprendre) et certains se renforceront dans la colère, le rejet ou la haine.


Pour ma part, en entendant ces paroles d’ouverture de M. Macron, je me suis dit que lui et son entourage avaient vraiment entendu les colères et les mécontentements…

Mais j’ai surtout eu envie de dire : « Chiche ! »

Chiche, c’est-à-dire dans un premier temps :

prouvez-nous par des actes que vous changez vraiment,

prouvez-nous que vous écoutez,

prouvez-nous qu’une vraie concertation va permettre cette invention collective.


Voila mon premier volet d’une attitude évangélique : l’écoute de ce que dit l’autre, la porte laissée ouverte à un changement de sa part, l’attente exigeante de preuves. Mais un deuxième volet est nécessaire et je vous le proposerai dans une deuxième émission : le changement des élus et des politiques ne servirait à rien si nous-mêmes restions campés de façon rigide sur nos positions, refusant d’avance d’écouter nous aussi et de chercher les moyens d’entrer en négociation sans renoncer à nos convictions.


A suivre donc !


Marc THOMAS - mai 2022

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