Des cendres au visage
Dernière mise à jour : 5 mars
Le mercredi des Cendres, les catholiques vont à l’Eglise pour être marqués de Cendres sur leur front, et la formule liturgique qui accompagnait jadis ce geste était : Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras en poussière.

DES CENDRES SUR LE VISAGE
Etonnant geste à l’inverse de nos préoccupations habituelles :
Que d’efforts pour apparaître sous notre meilleur jour !
Que d’argent dépensé en maquillage et crème de beauté en tout genre !
Que de stratégies pour cacher nos cernes ou faire bonne figure quand ça va mal !
Que de peurs des jugements des autres sur notre apparence !
Et nous nous disons souvent : Tu as vu la tête que j’ai ?
Je ne vais quand même pas sortir comme ça : de quoi j’aurais l’air ?
Et puis il y a ceux qui ont une bonne tête, et ceux qui ont une sale gueule !
A l’inverse de leurs préoccupations habituelles pour faire bonne figure, les catholiques vont s’exposer à l’Eglise devant tout le monde le visage sali de cendres. C’est la même chose qu’à chaque messe, quand au lieu de vouloir se montrer comme les meilleurs ou sur leur meilleur jour, les catholiques affirment devant tous qu’ils sont pécheurs et pas meilleurs que les autres.
BAS LES MASQUES !
Et si tous vivaient de la même manière qu’ils célèbrent à l’Eglise ? Il ne s’agit pas, bien sûr, d’ignorer nos talents et nos capacités, ni de renoncer à soigner notre apparence ou à admirer la beauté d’une personne ! Il s’agit seulement de faire tomber mes masques pour être et apparaître tel que je suis.
Ces masques que nous nous composons pour nous valoriser pour faire croire, pour nous cacher, pour séduire… pour faire le malin, pour être apprécié ou admiré…
Ils voudraient pallier notre manque de confiance en nous
Ils génèrent des rencontres faussées, des relations biaisées,
Ils annoncent des déceptions et une confiance bientôt trahie.

Ces masques derrière lesquels nous nous cachons quand nous avons honte de nous, quand nous nous culpabilisons, quand nous ne sommes pas sûrs de nous…
Ils voudraient nous mettre au même niveau que les autres supposés sans problème
Ils génèrent de l’isolement, du mutisme, de la tristesse
Ils annoncent la soumission, la dépression ou la révolte
Ces masques que nous utilisons pour paraître le plus fort quand nous voulons imposer notre point de vue, quand nous décidons de prendre le pouvoir sur les autres, quand nous choisissons d’être rigides et fermés…
Ils voudraient nous protéger des fragilités qu’ils cachent
Ils génèrent tensions, domination et violence
ils annoncent l’affrontement destructeur et coûte que coûte
La cendre sur le visage dit : « Bas les masques »
Elle invite à être vrai, à être soi, à paraître devant les autres tels que nous sommes
chacune et chacun reconnaissant à la fois ses talents et ses faiblesses, ses réussites et ses échecs, ses convictions et ses doutes, ses évolutions et ses freins…
Cette sincérité là est la seule qui puisse fonder une vraie solidarité et susciter un soutien mutuel, dans l’alternance de nos dynamismes et de nos fatigues.
QUAND NOUS SERONS RÉDUITS EN CENDRES…
Nous sommes nés nus et sans rien, sinon les soins prodigués par notre entourage.
Nous mourrons nus et n’emporterons rien de tout ce que nous aurons accumulés,
sinon ce que nous aurons transmis à notre entourage
Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras en poussière.
Que restera-t-il donc de nous quand nous repartirons en poussière ou quand la crémation nous réduira en cendres ?
Si notre priorité est d’AVOIR toujours plus, d’accumuler les comptes en banques, les avoirs et les produits de luxe, de renforcer sans cesse le pouvoir que nous exerçons sur les autres, nous risquons bien de vivre en esclaves de l’appât du gain, dans le stress de tout perdre, et dans la méfiance de ceux qui pourraient nous barrer la route… Et finalement nous partirons « à poil » déçus de tout abandonner.
Si notre priorité est d’ÊTRE toujours plus, de devenir « la meilleure version de nous-mêmes » comme disent certains, nous allons partir en quête d’autres richesses, nos ressources intérieures, et les ressources complémentaires de celles et ceux avec qui nous allons partager en vérité. Et nous partirons aussi un jour « à poil » mais heureux d’avoir ensemencé des valeurs humaines qui nous survivront.
Ci-dessous en caractères italiques bleux, paroles du chant : Bienheureux celui, Chanté par Raymond Fau/Studio SM/ à écouter en cliquant ici :
Regardez Nelson Mandela, Martin Luther King et tous ces combattants de l’égalité entre tous les hommes : ils ont laissé des traces indélébiles qui inspirent encore aujourd’hui tous ceux qui veulent extirper le racisme et construire la fraternité.
Bienheureux celui qui, au milieu des larmes
Recherche la douceur dans ce monde insolent.
Bienheureux celui qui ne prend pas les armes
Mais travaille à la paix avec les non-violents.
BIENHEUREUX ! BIENHEUREUX ! CAR IL EST VRAI FILS DE DIEU.
Regardez Sarda-Garriga qui a proclamé l’abolition de l’esclavage à la Réunion, et Edmond Albius, l’esclave qui a inventé la pollinisation de la vanille : personne ne les oubliés et nous sommes nombreux à nous inspirer de leurs engagements pour nourrir les nôtres.

Bienheureux celui qui a faim de justice
Et qui ne cède pas devant l'écrasement.
Bienheureux celui qui souffre l'injustice
Un jour il recevra le prix de son tourment.
BIENHEUREUX ! BIENHEUREUX !
CAR LA JUSTICE EST POUR LUI.
Regardez les exterminés et les quelques survivants d’Auschwitz qui ont traversé l’horreur sans nom et qui continuent de nous appeler à faire la paix : 80 ans après, nous nous inspirons encore de ce qu’ils ont souffert pour espérer et faire advenir « plus jamais ça ».
Bienheureux tous ceux qui subissent l'insulte
Et que l'on calomnie parce qu'ils croient en moi.
Bienheureux ceux-là et que leur cœur exulte
Au Royaume de Dieu ils recevront la joie.
BIENHEUREUX ! BIENHEUREUX ! CAR LA JOIE LEUR VIENT DE DIEU.
Regardez dans votre entourage, dans votre histoire : nous avons tous croisé des êtres qui ont été ou sont encore lumineux pour nous. Quelqu’un qui m’a accueilli et écouté dans une période de détresse. Un professeur ou une maîtresse qui m’a fait enfin croire en mes capacités de réussir. Un professionnel qui m’a donné envie de marcher à sa suite. Un amour qui m’a enfin accueilli tel que je suis. Et même une épreuve traversée qui a remis les pendules à l’heure en remettant de l’ordre dans mes valeurs et mes priorités. Certains de ces êtres lumineux sont morts, mais ils continuent à nous inspirer et à nous donner la vie.
Bienheureux celui qui a un cœur de pauvre
Et qui ne dresse pas un autel à l'argent !
Bienheureux celui qui sait aimer les autres
Sans jamais repousser une main qu'on lui tend !
BIENHEUREUX ! BIENHEUREUX ! CAR LE ROYAUME EST A LUI !
Une proche plus jeune que moi me disait il y a quelques jours « Je n’ose pas trop m’engager dans notre amitié parfois, parce que j’ai peur du moment où tu ne seras plus là. » J’ai été très ému en entendant derrière cette peur combien notre amitié était précieuse. Je lui ai répondu ceci : « Profitons du présent, profitons qu'on peut échanger, partager, se soutenir mutuellement, se réjouir et pleurer ensemble... Tout cela va ensemencer de l'éternel que rien ne pourra réduire en cendres. Et je crois profondément que le jour où je ne serai plus là, la connexion demeurera d'une autre manière. »

Bienheureux celui dont le cœur est limpide
Comme une source pure au rayon du soleil.
Bienheureux celui qui pardonne l'offense
Il recevra de Dieu un pardon sans pareil.
BIENHEUREUX ! BIENHEUREUX ! CAR IL CONTEMPLERA DIEU.
Notre avenir est d’être réduit en cendres.
Notre avenir éternel est de rester lumineux, inspirants et semeurs de vie.
Ceci est partagé par de nombreux être humains, bien au-delà de leurs croyances religieuses ou de leur incroyance.
Pour les catholiques, le Mercredi des Cendres inaugure un Carême où il s’agit de se convertir à ces valeurs humaines et à ces choix de vie qui ensemencent l’éternité.
Marc THOMAS – 1er mars 2025
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