Viens suis-moi
- Marc THOMAS
- 15 août
- 7 min de lecture
Qu'est-ce que je fais de ma vie ?
Dans les deux précédentes émissions, ou dans les deux premières parties de de cet écrit, nous nous interrogions sur notre mission de vie, que les chrétiens appellent parfois vocation, et sur la manière dont nous sommes fidèles à nos engagements et à nos valeurs profondes.
Voir ici :
Je disais que notre mission de vie et notre vocation ne se découvrent pas seulement en choisissant un métier ou un état de vie, mais en écoutant nos aspirations profondes. J’évoquais aussi ces ruptures d’engagements souvent trop rapidement pris avant d’avoir pris en compte nos valeurs profondes et notre mission de vie singulière.
Je disais aussi qu’il me semblait que Dieu n’appelle pas à un état de vie particulier (mariage, célibat, vie religieuse, prêtre ou diacre), mais que son appel se révèle dans les aspirations et valeurs qui m’habitent et dans les choix que je fais au quotidien pour en vivre.
VIENS, SUIS-MOI
On pourrait me contredire en me disant que Jésus appelle parfois à le suivre, comme ce fut le cas pour ses premiers apôtres dans l’Évangile de Matthieu (4, 18-22) : écoutez :
Comme il marchait le long de la mer de Galilée, il vit deux frères, Simon, appelé Pierre, et son frère André, qui jetaient leurs filets dans la mer ; car c’étaient des pêcheurs. Jésus leur dit : « Venez à ma suite, et je vous ferai pêcheurs d’hommes. »
Aussitôt, laissant leurs filets, ils le suivirent.
De là, il avança et il vit deux autres frères, Jacques, fils de Zébédée, et son frère Jean, qui étaient dans la barque avec leur père, en train de réparer leurs filets. Il les appela.
Aussitôt, laissant la barque et leur père, ils le suivirent.
Oui Jésus appelle à le suivre. Et certains, comme ces apôtres, laissent tout pour suivre Jésus. Ça arrive dans la vie de tout homme : une rencontre, un événement, un imprévu qui viennent faire rupture et tout changer dans ma vie : une rencontre amoureuse… une opportunité imprévue de travail… un événement imprévu, heureux ou malheureux… une décision de quitter la sécurité d’un emploi pour construire un projet professionnel ou se lancer à l’aventure…
Tout quitter pour suivre quelqu’un ou pour suivre son intuition, une sorte d’appel intérieur. La résonnance intérieure d’un appel extérieur… Et je laisse tout pour suivre cet élan… C’est dans cette réalité humaine-là que s’inscrit l’appel de Jésus à ses apôtres. D’ailleurs Jésus les appelle alors qu’ils exercent leur métier entrain de pêcher ou de réparer leurs filets.
Nous faisons aussi cette expérience humaine de nous interroger parfois à partir de nos manques et de nos « ras l’bol » : que pourrais-je faire pour être plus heureux ? Le jeune homme riche dans l’Évangile de Marc (10, 17-22) en est le plus bel exemple : il vient en effet à la rencontre de Jésus avec la même question formulée dans un langage de croyant : Bon Maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en héritage ? Jésus lui rappelle les commandements qui ne sont rien d’autre que des valeurs humaines essentielles : Ne commets pas de meurtre, ne commets pas d’adultère, ne commets pas de vol, ne porte pas de faux témoignage, ne fais de tort à personne, honore ton père et ta mère. Le jeune homme riche dit qu’il a fait tout cela depuis toujours… comme nous qui avons une vie honnête et sommes pourtant encore à la recherche du vrai bonheur… Une seule chose te manque dit Jésus : va, vends ce que tu as et donne-le aux pauvres ; alors tu auras un trésor au ciel. Puis viens, suis-moi. » Mais lui, à ces mots, devint sombre et s’en alla tout triste, car il avait de grands biens.
L’une des valeurs prioritaires du jeune homme riche, c’était l’argent et ses richesses qu’il passait probablement son temps à protéger et à augmenter sans cesse. Il y a beaucoup de jeunes hommes riches à toute les époques jusqu’à aujourd’hui, menés par l’appât du gain ! Et beaucoup de riches d’argent ou de renommée qui restent pourtant insatisfaits ou déprimés… Dans ce contexte, nous savons parfois ce qu’il faudrait lâcher pour respirer enfin. Nous avons parfois des proches qui nous appellent à lâcher et à tourner notre regard vers d’autres valeurs plus essentielles… Lâcher les protections artificielles et fragiles pour aimer mieux, lâcher la préoccupation de l’avoir pour suivre le chemin de l’être… Et nous restons parfois tout tristes pendant des années, face à l’insécurité et à la peur que génère la perspective de nous décrocher de grands biens que nous savons pourtant si artificiels…
Le contre-exemple du jeune homme riche dans l’Évangile, c’est évidemment Zachée. Jésus n’appelle pas Zachée à se convertir ni à le suivre. Jésus appelle Zachée à descendre de l’arbre où il se cache pour voir sans être vu, comme nous chaque fois que nous cachons bien ce qui nous fait honte pour offrir un beau visage à l’entourage… Jésus veut aller demeurer chez Zachée, au grand scandale de tous les religieux de l’époque qui le montrent du doigt comme un voleur et un pécheur. Et quand Zachée tel qu’il est accueille Jésus chez lui, aussitôt il est touché dans les valeurs humaines qu’il avait mises entre parenthèses et se reconnecte à elles : je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens, et si j’ai fait du tort à quelqu’un, je vais lui rendre quatre fois plus.
Quand Jésus appelle et dit « viens suis-moi », il ne s’agit pas d’une vocation à un état de vie religieux comme l’Eglise les a construits plus tard. Il s’agit de suivre Jésus au cœur de nos vies d’hommes et de nous reconnecter aux valeurs humaines qui habitent tout homme à l’intérieur. Ce sont ces valeurs humaines que Jésus nous désigne comme le chemin de la vraie vie et de la rencontre du Dieu de l’Incarnation.
Quant à Pierre et aux Apôtres, Jésus les a effectivement appelés à le suivre, et ils ont quitté leurs barques et leur père pour le suivre. Comme Le jeune homme riche et Zachée, ils avaient la liberté de dire oui ou non. Comme ça arrive à certain d’entre nous, ils ont parié sur la confiance en cette personne qu’ils admiraient, ou ils ont saisi l’opportunité de lâcher un quotidien qui ne les enthousiasmait pas tant que ça pour partir à l’aventure.
La suite de l’Évangile montrera que Pierre n’a pas complètement quitté son métier de pécheur puisqu’après la mort de Jésus, l’Évangile de Jean dit ceci : Simon-Pierre dit (aux autres apôtres) : « Je m’en vais à la pêche. » Ils lui répondent : « Nous aussi, nous allons avec toi. » Ils partirent et montèrent dans la barque. C’est en exerçant leur métier qu’ils rencontrent Jésus, et Jésus rend leur travail fécond par la pêche miraculeuse ! (Jn 21, 1-13).
D’autre part, Pierre et probablement les autres apôtres n’ont pas quitté leur famille puisque l’Évangile de Matthieu (8, 14) dit : Jésus entrait chez Pierre, dans sa maison, il vit sa belle-mère couchée avec de la fièvre. L’apôtre Pierre, et donc le premier Pape, était bien marié… comme bien d’autre après lui, très légitimement.
Alors oui Jésus appelle. Parmi tous ceux qu’il appelle, il renvoie beaucoup à leur vie quotidienne : le centurion romain, la femme adultère, le paralytique, Marthe et Marie, et tant d’autres qu’il rencontre ou guérit… Quelques-uns quittent tout pour le suivre, et pour être son équipe rapprochée au long de sa vie terrestre… jusqu’à parfois le renier ou l’abandonner au moment de sa Passion… et créer ensuite la « communion fraternelle » que nous racontent les Actes des Apôtres, sans se couper de leurs vies familiales et professionnelles.
Et puis surtout, Jésus ressuscité ne se laisse pas accaparer : Ne me touche pas, dit-il à Marie- Madeleine (Jn 20, 17), ce que la traduction liturgique traduit comme ne me retiens pas. Et chaque fois que Jésus ressuscité apparaît à ses disciples, il arrive à l’imprévu, et disparaît dès qu’on l’a reconnu… et il invite à le retrouver ailleurs : Il est ressuscité d’entre les morts, et voici qu’il vous précède en Galilée ; là, vous le verrez. La Galilée, c’est le carrefour des nations, le monde où les hommes vivent et agissent, et non le lieu clos où les disciples se calfeutraient dans la peur après la mort de Jésus.
Comme s’il n’était pas question de s’enfermer dans l’intimité avec Jésus, mais seulement de le reconnaître au cœur du monde, là où il nous précède, là où il a dit : Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde.
Tous les contemplatifs s’interrogent : se réfugient-ils dans un couvent fermé pour trouver leur Dieu ? où cherchent-ils dans leur silence la résonnance d’un Dieu présent au monde tel qu’il est ?
Tous les adorateurs du Saint Sacrement s’interrogent : sont-ils plus près de Jésus quand ils sont à genoux devant l’hostie dans son ostensoir ou quand ils sont agenouillés devant leurs frères à laver leurs pieds et à donner à manger à ceux qui ont faim ?
Et les dernière paroles de Jésus dans l’Evangile de Matthieu sont les suivantes :
Allez dans le monde entier ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. »
De toutes les nations, faites des disciples c’est-à-dire étymologiquement des « suiveurs »
Le Trésor de la Langue Française définit ainsi le mot disciple : « personne qui suit les préceptes, l'enseignement de quelqu'un.
Et aussi : Spéc., RELIG. Ceux qui ont suivi Jésus et son enseignement pendant sa vie terrestre (d'apr. Théol. bibl. 1970).
L’appel à être disciple, c’est-à-dire à suivre Jésus
dans le quotidien de la vie des hommes,
sous quelque forme que ce soit.
Marc THOMAS









Toujours cette réflexion venant de l'évangile ou des écritures, qui nous implique dans la vie quotidienne...Un peu de "remue-meninges" fait du bien!...👌🤗