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Apprendre à s'aimer



Ma dernière émission avait pour titre « M’accueillir avec douceur ». Dans le prolongement, voici les extraits d’un interview de Monique de Kermadec, autrice du livre intitulé : Le plus grand des amours : apprendre à se connaître et à s’aimer ». Elle est interviewée par Fabrice Midal, philosophe, dans la série de ses podcasts « Dialogues ».

Vous n’entendrez ici que des extraits pour rester dans le temps imparti à cette émission, mais vous ne perdrez pas votre temps à écouter cet interview dans son intégralité, d’une durée de 45mn. Vous pouvez y accéder au lien suivant :

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Se négliger soi-même


Elle : Je ne pense pas uniquement à la négligence physique, ce qui peut arriver dans une dépression profonde. La personne ne fera plus attention à son apparence extérieure, par exemple. Mais je pense à une négligence dans le rapport à l'autre. On ne se rend plus compte que le contact n'est plus là, qu'on est absent. Cette absence va bien évidemment induire un sentiment de profonde solitude, de dépression, d'une solitude négative, bien sûr.

 

Se négliger, c'est aussi ne plus avoir conscience de ce dont on a vraiment besoin. Nous sommes aujourd'hui dans une société où on nous dit constamment ce que nous devrions faire, ce que nous devrions acheter, ce que nous devrions vivre… qui ne correspond pas nécessairement à nos besoins ou à qui nous sommes. Donc même là, nous n'avons pas toujours conscience de ce besoin de répondre à ce qui nous appartient et non pas à ce que l'on nous dicte.

 

Lui : La négligence peut même aller jusqu'à une manière d'être en échec, de se mettre en échec. Tout à fait. Et même une forme de sabotage. Alors là, encore une fois, on ne voit pas « je suis en échec ». Les gens vont dire « je n'ai pas de chance » ou « je ne suis pas doué ». Ils ne vont pas voir du tout qu'ils sont en échec.

Elle : Et qu'ils participent à cet échec.

 

Lui : Parce qu'ils ne s'aiment pas, ne se connaissent pas, ne se rencontrent pas.

Elle : Tout à fait, parce qu'ils ne se font pas confiance. Et on a souvent cette constatation, je ne suis pas fait pour le bonheur, par exemple, ou ma vie est sous une mauvaise étoile. Tout ça, c'est faux ! Je veux dire, il n'y a pas de souffrance qui doit être la nôtre de la naissance à notre mort. C'est vraiment le sentiment de n’avoir aucun pouvoir sur sa vie et sur nos choix. Et c'est pour ça que j'insiste si fortement sur l'importance de prendre le temps, de prendre le recul nécessaire pour connaître nos besoins, nos besoins physiques, nos besoins émotionnels et nos besoins spirituels.


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Pourquoi ce n'est pas de l'égoïsme de s'aimer ?

 

Elle : L'égoïste est quelqu'un qui pense essentiellement à lui-même, à sa satisfaction, et l'autre n'est qu'un objet utilisé pour sa propre satisfaction. Je pense que la personne qui s'aime avec une certaine générosité ne va pas avoir ce genre de comportement. Au contraire, l'autre est une personne à découvrir. C'est quelqu'un qui est à la fois comme moi et différent de moi, et aller vers l'autre n'est pas dangereux. Je ne vais pas me perdre.

 

Si bien évidemment l'autre représente une injonction à être différent, à me changer, l'autre est une menace. Autrement, bien évidemment, nous sommes totalement disponibles pour l'autre. Je comprends difficilement comment on peut rester convaincu tout au long d'une vie que s'accorder du temps, s'accorder une réflexion est un acte égoïste au contraire.

 

Lui : J’ai l'impression qu'on se trompe du tout au tout dans l'analyse de nos sociétés. On nous a fait croire qu'on est une société de gens de plus en plus individualistes. Moi, j'ai plutôt l'impression qu'on est une société de gens qui sont de moins en moins des individus autonomes, de plus en plus soumis à des dictats, à des phénomènes de masse. On voit les menaces sur la démocratie et tout ça, les manipulations. Moi, j'ai l'impression qu'on est une société de gens de plus en plus manipulés, manipulables, de moins en moins autonomes, de moins en moins à même de penser par soi-même. Et on nous raconte toute la journée que les gens sont individualistes. Mais ouvrez les yeux, c'est le contraire.

 

Elle : La manipulation marche très bien quand on commence à nous angoisser. À partir du moment où, effectivement, on arrive à nous mettre en position d'avoir peur, eh bien, on va essayer de se rassurer auprès d'une autorité qui va nous dire ce qui est bon pour nous.

 

Lui : Et être soi-même, c'est éviter cette angoisse ?

 

Elle : je pense que ça évite une bonne partie d'angoisse. Bien évidemment, nous avons tous un point sensible qui peut être touché par un certain discours d'une certaine personne à un moment donné, mais on est plus armé. Maintenant, quand on parlait de manipulation, moi je repensais aux relations avec des pervers manipulateurs où la personne est d'autant plus victime qu'elle doute d'elle-même.

 

Si elle ne doutait pas autant d'elle-même, elle ne s'accrocherait pas à une personne qui, au début, la narcissise et qui, après, la réduit en copeaux. Donc, à nouveau, cette protection de l'amour que nous pouvons avoir pour nous-mêmes est fondamentale.

 

J'ai été frappée par le fait que lorsqu'on parle d'amour, on pense toujours à l'amour destiné à l'autre. L'amour est rarement abordé comme quelque chose qui nous est destiné. Et alors, bien évidemment, nous ne recevons aucune éducation, à moins d'avoir eu des parents ou le bonheur d'avoir eu quelqu'un de proche qui a su nous transmettre ceci, qui a su nous donner la permission de nous attarder sur nous-mêmes.

 

L'amour de soi, c'est prendre soin de soi. L'égoïsme, c'est abuser de l'autre


 Lui : Vous avez des phrases, je vais les lire parce qu'elles sont tellement belles.

« L'amour de soi, c'est prendre soin de soi. L'égoïsme, c'est abuser de l'autre. L'amour de soi, c'est savoir se poser des limites. L'égoïsme, c'est n'en accepter aucune. L'amour de soi permet de se connecter aux autres en profondeur. L'égoïsme construit un mur entre soi et les autres. L'amour de soi est un choix. L'égoïsme est un refus des autres. »

 

Elle : Oui, tout à fait. Et j'aimerais qu'on en prenne conscience avant que ce ne soit trop tard, que nous prenions le temps nécessaire. Je pense que c'est très important que nous arrivions à prendre ce temps où nous pouvons nous extraire de toutes les sollicitations extérieures et où nous pouvons effectivement être là pour nous-mêmes et nous déconnecter.

 

Lui : la plupart des êtres humains ne savent pas être là pour eux-mêmes. Ils savent s'utiliser, s'instrumentaliser, répondre aux besoins des autres, se condamner, se culpabiliser sans vouloir, mais être là pour soi-même.

 

Elle : J'ai un patient qui un jour m'a dit, j'étais tellement là pour les autres que je m'en suis oubliée. Au point où à 45 ans, il a pris conscience que dans les faits, étant un bon fils, étant un bon élève, étant un bon compagnon, il s'était oublié. Parce que pour être bon selon la définition qu'on lui avait donnée dès sa petite enfance, il fallait avant tout penser à l'autre. Devenir son meilleur ami est quand même un projet. Nous faisons des efforts pour nos amis, mais nous ne les faisons pas les mêmes pour nous-mêmes.

 

C'est difficile d'être ami avec soi-même. 


Lui : C'est difficile d'être ami avec soi-même. On a tellement de raisons de s'en vouloir. On voudrait tellement être moins fragile, être moins sensible, être moins en colère, être moins... Et d'assumer ses erreurs. C'est beaucoup plus logique, à première vue, de s'en vouloir. On a été éduqué que pour avancer, il faut se foutre un coup de pied au cul. Donc on a l'impression que si je suis gentil avec moi... Si je suis avec moi, c'est une démission. Je vais devenir tout mou. Et que si je veux avancer, il faut que je me frappe. Au fond, on sait qu'il ne faut pas frapper les enfants. Au fond, chacun d'entre nous croit que se frapper lui-même pour avancer, c'est la bonne solution.

 

Elle : Je crois que nous sommes très souvent aveugles sur ce que nous sommes capables de faire. Dès l'enfance, il y a eu des compliments, il y a eu des critiques. On nous a dit que nous étions bons pour ceci, mauvais pour cela. Mais nous n'avons pas toujours eu l'occasion d'explorer nos potentiels. Nous n'avons pas toujours eu l'occasion de découvrir ce qui est en nous et que nous n'avons encore jamais découvert.

 

Pendant la Covid et le confinement, j'ai été frappée par le fait que les personnes qui étaient restées chez elles avaient développé des activités ou repris des activités du passé qu'elles n'avaient pas eues avant. Il y en a qui se sont remis au piano, il y en a qui se sont remis à la peinture, il y en a qui ont fait du tricot. Mais ce que je veux dire, c'est que parfois, nous négligeons certaines aptitudes ou certains talents, parce qu'on les a mis de côté il y a très longtemps. Et à moins d'un événement particulier, nous n'allons plus fouiller, chercher dans ces réserves ce que nous avons et qui peut nous permettre de contribuer au monde dans lequel on vit. On peut contribuer de mille et une manières.

 

Qu'est-ce que je peux faire pour apprendre à me connaître et m'aimer ?


Lui : Qu'est-ce qu'on peut faire d'autre pour lever cette sorte de malédiction ? Qu'est-ce que je peux faire pour apprendre à me connaître et m'aimer ?

 

Elle : Je dirais que la première étape, malgré tout, c'est de faire un état des lieux, essayer de le faire. Si on a du mal à le faire, essayer de le mettre par écrit, par exemple. Certaines personnes arrivent à mettre quelques lignes sur ce qui leur a plu, ce qui leur a fait de la peine, sur ce qu'ils ont aimé, ce qui les a motivés.

 

Lui : Si on prend le temps de commencer simplement par un truc aussi simple : « Qu'est-ce que j'aime ? Qu'est-ce que j'aime pas ? »

 

Elle : Oui, qu'est-ce que j'ai aimé aujourd'hui ? Qu'est-ce qui s'est passé ? Qu'est-ce qui m'a apporté du plaisir ?

 

Lui : C'est déjà une première étape.

 

Elle : Oui, parce que 15 jours, 3 semaines ou 5 mois après, on découvre ce qui nous anime, on découvre ce qui nous fait du mal, ne nous convient pas. Et on peut découvrir des façons d'agir auxquelles on n'a pas été attentif dans nos vies. On découvre des choses sur soi. Par contre, au-delà de ça, il y a tout un nombre de questions que l'on peut se poser, bien sûr, faire une sorte de bilan. Où en suis-je physiquement, affectivement, émotionnellement, spirituellement ?

 

On peut se consacrer du temps, prendre du temps pour une solitude, déjà. On peut aussi prendre du temps et apprendre à méditer. C'est-à-dire que toute circonstance qui va nous permettre d'être une rencontre avec nous est à utiliser. Bien évidemment, parfois, nous avons beaucoup de mal, quel que soit ce que nous essayons, et si nous sommes vraiment bloqués, ne pas renoncer à aller en parler avec quelqu'un d'extérieur.

 

Alors, quand je dis un thérapeute, tout le monde pense que je prêche pour ma chapelle, mais... Lorsque nous en parlons à un ami, cet ami nous écoute peut-être avec beaucoup de chaleur, d'ouverture, mais l'ami peut être tenté de nous donner des conseils qui sont en harmonie avec sa personnalité et que nous ne pouvons absolument pas appliquer, ils ne sont pas en harmonie avec la nôtre. L'important c'est de pouvoir, dans un contexte neutre, aller fouiller en soi, partir à la découverte de ce qui nous est inconnu qui va jour après jour nous permettre d'atteindre cette connaissance dont nous avons besoin. Il y a plusieurs chemins qui nous mènent à cette connaissance de nous-mêmes et qui nous mènent à cette acceptation de nous-mêmes. Parce qu'au fond, cet amour, il est généreux. Il est capable de critiquer, mais il sait aussi être généreux.

 

L’intégralité de cet interview : https://youtu.be/5Q0sQNpj1mk?si=rhnO5e4WMEdOHY0n 

Le livre de Monique de Kermadec :

La chaîne Youtube de Fabrice Midal :



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