Marc THOMAS
Désinfecter mes relations
C’est parfois si difficile, dans une relation, d’être en présence de l’autre,
et de rester en connexion avec soi-même et son être intérieur.
Et j’ai appris qu’il faut faire plaisir à l’autre, au détriment de moi-même…
Je n’ose pas dire ce que je pense ou réagir spontanément
car j’ai peur de ce que l’autre va penser…
Dépendance, soumission, confusion, mutisme, agressivité, peur, violence…
Comment en sortir pour être vraiment moi-même et vivre des relations saines ?
Distinguer
Tout commence dans la confusion :
quand tu accuses l’autre : « tu m’as blessé… »
tu confonds ce qu’il a fait et l’impact que ça a sur toi. Sors de la confusion en distinguant :
« quand tu as fait ça (c’est lui), j’ai été blessé (c’est moi) ! »
Voulait-il te blesser ? Ce n’est pas sûr, et lui seul le sait ! Mais toi tu te sens blessée, et ton ressenti est légitime : ne te culpabilise pas !
Un autre à ta place s'en serait moqué, un autre serait parti,
toi tu es blessé : ta blessure parle de toi : un point sensible en toi a été touché !
Sors de la confusion en prenant soin de tes ressentis :
nomme ce qui est inacceptable pour toi,
mets des mots pour décrire tes ressentis et accueille les
cherche ce qui t’a empêché de te protéger devant l'autre... pour pouvoir lui dire :
« Ce que tu m’as dit ou fait (c’est lui), je ne le supporte pas (c’est moi). »
Quand tu prends de plein fouet ce qu'il t'a dit,
tu l’accuses d'être le coupable et tu ressasses en boucle ce qu'il t'a fait…
Tu veux lui faire comprendre et tu dis qu'il est fermé…
Tu voudrais ouvrir une porte close : tu te fais d’abord du mal à toi même,
comme si tu versais de l'acide sur ta propre plaie.
Sors de la confusion en prenant soin de toi :
C'est comme en randonnée quand tu te blesses contre un rocher...
Il ne sert à rien de t'énerver contre le rocher et d'aller lui taper dessus. Tu vas au contraire nettoyer ta plaie, la désinfecter, mettre un pansement...
et c'est en prenant soin de ta blessure et non du rocher
que tu vas cicatriser ta blessure et apprendre à te protéger à la prochaine agression !
Lâche l’autre : il n’est qu’un déclencheur !
et traite avec délicatesse ta blessure et ta sensibilité...
Il sera temps après d’apprendre à contourner le caillou sur lequel tu as buté
pour éviter de t’y blesser la prochaine fois !
Séparer…
Dans les récits mythiques de création, dont la Bible,
la création du monde est souvent racontée en terme de séparation :
le Créateur sépare le jour et la nuit, le ciel et la terre, la terre et les eaux…
il sépare les animaux qui volent, qui marchent, qui rampent…
il sépare l’homme et la femme…
Pour vivre, un bébé doit sortir du ventre de sa mère et en être séparé…
Pour voir le visage de l’autre, il faut se reculer…
Dans ces séparations, chacun devient à la fois autonome et relationnel,
capable de faire des choix personnels et de créer des relations saines et libres.

Sors de la fusion-confusion vers une solitude relationnelle :
des relations trop fusionnelles
finissent toujours par étouffer !
Seul et séparé pour être autonome,
tu seras libre de franchir l’espace
pour aller à la rencontre de l’autre…
En relation
« Ne plus faire qu’un » est un bel idéal,
pourtant souvent perverti
quand il me réduit à n’être qu’une moitié…
Comme s’il me manquait une moitié
pour être et pour vivre…
Si l’autre était ta moitié, tu n’aurais ni identité propre, ni autonomie…
Et l’un risquerait toujours d’étouffer l’autre ou inversement de s’écraser devant lui…
Car la moitié qui te manque est en toi,
dans cette part de toi que tu n’as pas encore identifiée !
L’autre ne pourra jamais la remplacer,
il pourra peut-être te permettre de la découvrir...
Sors de la confusion du face à face exclusif, va vers une dynamique relationnelle
Dans une relation, on est toujours trois : toi, moi,
et la relation entre nous, comme un élastique qui attire et met de l’espace…
Toi et moi indépendants et capables de vivre seuls,
sinon l’autre est réduit à être mon manque ou ma prothèse…
Tous les deux autonomes, mais dans une même dynamique :
non pas une dynamique fusionnelle permanente,
mais une dynamique relationnelle aérée
où l’inter-dépendance, la solidarité, l’amitié, l’amour,
comme un troisième terme « entre-deux »,
crée à la fois de l’espace et de l’union, de la relation, des alliances…
Une dynamique relationnelle où nous créons un "uni-vers" commun,
« unis » pour aller « vers »
ou « nous faisons du un », « nous faisons du comm-un »… en restant deux !

Pour le dire en chanson
Un chant de Mannick
ou quand nos relations vérifient leur solidité dans le gros temps !
Écouter le chant : https://www.youtube.com/watch?v=cUZHDYC5LHc

Je connais des bateaux qui restent dans le port De peur que les courants les entraînent trop fort, Je connais des bateaux qui rouillent dans le port A ne jamais risquer une voile au dehors. Je connais des bateaux qui oublient de partir Ils ont peur de la mer à force de vieillir, Et les vagues, jamais, ne les ont séparés, Leur voyage est fini avant de commencer. Je connais des bateaux tellement enchaînés Qu’ils en ont désappris comment se regarder, Je connais des bateaux qui restent à clapoter Pour être vraiment surs de ne pas se quitter.
Je connais des bateaux qui s’en vont deux par deux Affronter le gros temps quand l’orage est sur eux,

Je connais des bateaux qui s’égratignent un peu
Sur les routes océanes où les mènent leurs jeux.
Je connais des bateaux qui n’ont jamais fini De s’épouser encore chaque jour de leur vie, Et qui ne craignent pas, parfois, de s’éloigner L’un de l’autre un moment pour mieux se retrouver.

Je connais des bateaux qui reviennent au port Labourés de partout mais plus graves et plus forts, Je connais des bateaux étrangement pareils Quand ils ont partagé des années de soleil. Je connais des bateaux qui reviennent d’amour Quand ils ont navigué jusqu’à leur dernier jour, Sans jamais replier leurs ailes de géants Parce qu’ils ont le cœur à taille d’océan.
Se séparer de façon constructive
J'ai écrit ce texte à deux couples venus me voir successivement
parce qu'ils avaient une perspective de séparation vécue douloureusement...

Ils veulent tous les deux se séparer,
et pourtant des sentiments demeurent…
Ils s’attirent et se repoussent à la fois…
Chacun attend encore de l’autre
ce qu’il ne peut plus lui donner…
Relation « confusionnelle » toxique
où je n’existe qu’en dénonçant l’autre…
La déception devient aigreur,
Même les sentiments et les attraits
deviennent poisons…
Je veux me séparer parce que tu…
un tu qui charrie reproches et jugements…
un tu qui rend l’autre coupable de ma souffrance…
un tu qui tue en transformant le cœur en rancœur…

Une seule issue
pour désintoxiquer la relation,
pour distinguer le sentiment
de son jumeau toxique :
Je veux me séparer parce que je…
Un je qui ne parle que de moi et ne dénonce plus l’autre…
J’ai besoin de respirer et de vivre à mon rythme…
Je choisis d’être entier, sans être sa moitié…
Je choisis d’être autonome et libre au milieu des autres…
Je pose les limites qui me protègent de l’insupportable…
Je suis responsable de mes besoins à satisfaire, sans dépendance…
Je garde la clef de mon bien-être, sans la remettre à l’autre…
Je me distingue et me relie à la fois, sans confusion…
Je vois surgir mon désir d’être et d’aimer, sans emprise …
Dégagé de toute rancœur et de toute agressivité…
Libéré des impatiences à attendre que l’autre change…
Renonçant à accuser et à juger pour rester centré en moi…
Je me sépare parce que je…
J’ose m’écouter et prendre soin de moi…
Je choisis d’écouter l’autre avec respect sans vouloir le changer…
Je me protège plutôt que de m’intoxiquer de mon aigreur
Séparé pour être moi, depuis la coupure du cordon ombilical…
Séparé pour aller vers, en relation sans fusion ni confusion…
Ainsi nous pouvons nous relier,
ou nous réconcilier, parfois jusqu’en alliance…
chacun peut être soi en présence de l’autre…
chacun aime être soi en aimant l’autre dans son altérité…
construisant des relations qui soutiennent et libèrent à la fois,
nos deux désirs s’allient sans s’enchaîner…

Marc THOMAS