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Photo du rédacteurMarc THOMAS

Le courage de la non violence




Guerre en Ukraine, violences dans les quartiers, émeutes et destructions aveugles fin juin dans beaucoup de villes en France, violences intrafamiliales…


Nous sommes souvent dépassés par la violence, nous nous sentons impuissants pour la traiter. Et parfois nous devenons nous-mêmes violents ou agressifs, sans arriver à canaliser des émotions et réactions qui nous débordent.


Souvent nous avons des réactions primaires et instinctives face à la violence : la peur et parfois la panique qui nous stressent et nous plongent dans la méfiance ; ou bien les jugements péremptoires et l’accusation de la police, de la justice, des gouvernants ; ou encore la haine pour les violents, l’appel à les éliminer par un autoritarisme qui écrase ; parfois aussi une indifférence qui ferme les yeux tant que nous ne sommes pas concernés et touchés directement…

Toutes ces attitudes ne résolvent en rien le problème car elles sont toutes marquées d’une forme de violence pour répondre à la violence.

Je vous propose de prendre un peu de distance par rapport à toutes nos réactions spontanées, à quitter un instant nos peurs, nos réactions immédiates, nos jugements, nos accusations. Pour ce faire, je voudrais simplement lire avec vous un article intitulé « le courage de la non violence », écrit par la journaliste Florence Chatel et publié en juin 2022 dans le journal La Croix.


Florence Chatel est journaliste. Elle collabore régulièrement à Bayard Presse à travers La Croix, Panorama ou le site internet croire.com, ainsi qu’à l’émission "Le Jour du Seigneur" sur France 2.


Le début de l’offensive russe en Ukraine a marqué le retour de la guerre en Europe. Quelques voix, minoritaires, se sont depuis élevées pour que soient donnés aux Ukrainiens, plutôt que des armes, des moyens de combattre de manière non-violente. Au sein de la mouvance non-violente, cette question fait débat tandis que, dans la société, les non-violents sont souvent assimilés à de doux rêveurs ou aux hippies des années 1970. Pourtant, loin d’être naïve, la non-violence telle que Gandhi l’a théorisée et mise en œuvre au début des années 1920 recèle une force spirituelle et une puissance d’action.


Dans l’esprit du Mahatma, la non-violence s’appuie sur le principe d’ahimsa, « le désir actif de ne pas nuire, une impulsion positive à respecter la vie », « une force intérieure poussant à combattre toutes les manifestations de la violence, pas seulement celle des coups et des armes » (Christian Mellon et Jacques Semelin, La Non-violence, Que sais-je n° 2912, PUF 1994, p. 8). Mais elle fait également appel à la notion de satyagraha qui veut dire « force de la vérité ». Cette expression, apparue à Johannesburg en 1906-1907 lors de la lutte des Indiens contre une loi les discriminant, désigne la manière d’agir positive de Gandhi.


« On entend par violence tout ce qui porte atteinte à la vie physique et à la dignité d’un être humain. Quelqu’un qui est humilié, harcelé, calomnié, est victime de violence même s’il n’est pas physiquement blessé », note le jésuite Christian Mellon, entré dans la non-violence en 1971, cofondateur en 1974 du Mouvement pour une alternative non-violente (MAN). À ses yeux, il existe ainsi « des violences directes que l’on peut attribuer à telle ou telle personne qui devra en répondre au tribunal », et « des violences indirectes ou structurelles ». Ce sont, par exemple, les lois qui induisent que les migrants risquent leur vie en traversant la Méditerranée ou la Manche. « Dans ces cas-là, les responsabilités sont systémiques, c’est-à-dire que ce sont des systèmes économiques, financiers, politiques… qui font violence et qui tuent », ajoute-t-il.


Comment combattre toutes ces formes de violence ? « La grande intuition des combattants non-violents du XXe siècle comme Gandhi et Martin Luther King est d’éviter le mimétisme, de trouver des moyens de résoudre le conflit autrement qu’en imitant l’agresseur, l’ennemi ou l’adversaire », explique le père Christian Mellon. Dans cette lignée, les chrétiens non-violents s’appuient sur la parole de Jésus : « Eh bien ! moi, je vous dis de ne pas riposter au méchant ; mais si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre » (Mt 5, 39). À cela, s’ajoute « la recherche d’autres moyens de lutte – la non-violence est une lutte, non un pacifisme – pour faire advenir la justice » et la paix.

Venu à Paris, le 11 juin, présenter la campagne de l’Église protestante de Bade (Allemagne) à un colloque sur le thème « repenser la sécurité en Europe », Ralf Becker confirme : « Dans la non-violence, je réagis par un double geste : une main qui dit ”stop” à la violence et une main tendue, ouverte, qui propose une alternative. »


Selon ce membre du réseau œcuménique européen pour la paix Church and Peace et le père Christian Mellon, cette attitude est celle de Jésus face aux accusateurs de


la femme adultère. Jésus arrête la violence, vainc ses adversaires qui cherchent à le coincer, par une parole : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre » (Jn 8, 7). « Mais après cela, il ne reste pas les yeux levés pour les narguer et regarder qui s’en va le premier. Non, Jésus se baisse par terre ; il se relève quand ils sont tous partis. S’il avait cherché à les humilier, en plus de les avoir vaincus par sa parole, cela aurait été perdu ; peut-être que la femme aurait été lapidée, note encore le jésuite. C’est une grande leçon pour les sorties de conflit : que le vaincu ne soit pas humilié, sortir du conflit la tête haute. » Les guerres mondiales du début du XXe siècle ont en effet montré combien l’humiliation des vaincus fait le lit d’un nouveau conflit. Nous pouvons entendre ainsi les appels répétés d’Emmanuel Macron à « ne pas humilier la Russie » comme un moyen de préparer l’après-guerre en Ukraine.


Dans tout conflit, « non seulement, il s’agit de convertir sa colère, de lutter contre la haine en soi et autour de soi, mais aussi de chercher à maintenir les conditions d’une reprise de contact le jour où le mal commis par l’adversaire sera vaincu », rappelle le père Christian Mellon tout en reconnaissant que « la question d’une résistance non-violente à une agression » demande une préparation et relève d’un choix politique défini par l’État lui-même. « Une fois que le conflit a éclaté, les non-violents ne peuvent que limiter les dégâts et préparer l’après conflit, voire la réconciliation », exprime-t-il.

« Il est très facile de détruire ou de s’affronter violemment, en revanche le travail de reconstruction prend des décennies. L’acte violent que je pose dans l’instant peut impacter plusieurs générations », commente Rachel Lamy, rédactrice en chef de la revue Alternatives non-violentes et formatrice au sein des Brigades de paix internationales. Au cours d’un tour du monde de la non-violence, Rachel a pris conscience que « le travail pour la paix commence d’abord en soi-même », en osant regarder sa propre violence, ses préjugés, tout ce qui fait obstacle en soi à la rencontre avec l’autre.


« Nous ne pouvons pas demander aux Israéliens et aux Palestiniens de détruire le mur qui les sépare si nous ne détruisons pas nous-mêmes le mur qui nous sépare de la personne mendiante dans la rue, si nous gardons des préjugés sur les gens du voyage et une vision binaire des bons et des méchants, en nous rangeant systématiquement du côté des bons», témoigne-t-elle. C’est pourquoi, la prévention, la formation à la non-violence sont, à ses yeux, si importantes, de même que la nécessité de travailler en réseaux.


« La non-violence est un choix et une philosophie, le seul moyen viable de construire une société en paix », affirme Rachel Lamy. Elle est « une éthique, une stratégie et un projet politique, renchérit le père Christian Mellon. Au cœur de la réflexion non-violente, il y a un principe fondamental : ”La fin ne justifie pas les moyens.” On cite souvent cette phrase de Gandhi : “La fin est dans les moyens comme l’arbre est dans la semence.” »


Florence Chatel, le 24/06/2022




Marc THOMAS


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