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Photo du rédacteurMarc THOMAS

4-Retrouver l'énergie créatrice de la vie

Il était une fois des Paradis... 4/5

Un monde difficile marqué de violence, de guerre… Un monde où la science nous fait progresser : elle facilite la vie, guérit, invente… Mais aussi la science inquiète, manipule les virus, nos cellules génétiques, la puissance atomique…


Un monde qui semble avoir perdu son sens et ses valeurs. Malgré tous les progrès scientifiques, nous sommes de plus en plus nombreux à nous demander : d’où venons-nous ? ou allons-nous ? Pourquoi sommes-nous là ?



Si nous ne sommes pas des doux rêveurs, si nous ne fuyons pas dans des paradis perdus et illusoires, nous courons le risque de la désolation. Car notre regard sur le monde est souvent marqué par l’inquiétude, la peur, l’aigreur.


Ces difficultés nous amènent souvent à la méfiance : méfiance devant les évènements (« qu’est-ce qui va encore m’arriver ?), méfiance devant les virus et la pollution (on garde parfois son masque même si ce n’est plus indispensable), méfiance de notre entourage (l’autre perçu comme un danger). Cette méfiance génère récriminations, dénonciations et jugements qui polluent et amplifient le sentiment d’insécurité.


Dans le langage religieux, ce monde a parfois été présenté comme un temps d’épreuve justifié pour obtenir après la mort le Paradis. Nous avons appris que l’homme arrivait sur cette terre marqué du péché originel, qu’il fallait se reconnaître pécheurs, faire des prières et des pénitences pour nous libérer du mal et éviter l’enfer, et finalement mourir en espérant trouver enfin le bonheur…


Tout cela contribue à tuer nos énergies créatrices. A moins que ça ne conduise certains à faire n’importe quoi (« perdus pour perdus, autant en profiter, et chacun pour soi ! ») ou à se perdre par les addictions dans des bonheurs irréels et destructeurs ou dans des paradis ressemblant à des camps retranchés.

« Il était une fois des paradis… » Comment encore y croire ?


N’y a-t-il que deux extrêmes : un paradis impossible et un enfer du quotidien ?

Comment sortir de ces constats débilitants ?


Et celles et ceux qui vivent leur vie avec enthousiasme, bienveillance et sérénité,

où trouvent-ils leurs raisons de vivre ?


Je ne prétends pas faire une réponse exhaustive à toutes ces questions,

mais seulement ouvrir quelques pistes


MANICHÉISME


La culture occidentale est marquée d’un regard manichéiste sur le monde et sur la vie. Le manichéisme est une religion et une philosophie fondée au 3ème siècle par Mani, un théologien de Perse (aujourd’hui l’Iran) : pour lui, le monde est séparé en deux parties qui se combattent : le monde de la Lumière et le monde des Ténèbres.


La foi catholique a souvent été marquée par ce manichéisme qui sépare le bien et le mal, le ciel et l’enfer, les bons et les méchants… Dans ce contexte :

  • le paradis était perçu comme le lieu merveilleux, et la sortie du paradis ressemblait à une descente aux enfers.

  • le paradis est avant nous au ciel et après nous quand nous serons morts, et nous vivons sur une terre où se trouve le mal, le péché et la souffrance, jusqu’à ce que la mort nous en délivre.

  • la parole religieuse va insister davantage sur le péché et sur l’enfer à éviter que sur le salut offert à tous.

  • on va croire qu’il faut souffrir pour plaire à Dieu, qu’il faut faire pénitence pour racheter nos péchés et éviter l’enfer éternel, plutôt que d’accueillir l’amour gratuit qui nous a déjà sauvé.

  • Dieu est celui qui punit l’homme de ses fautes, ou bien au mieux, il est celui qui jette un regard condescendant sur les pauvres pécheurs.


LA CRÉATION N’EST PAS MANICHÉISTE


Tout cela n’a rien à voir avec la création telle qu’elle est décrite dans la Genèse. Car dans cette création merveilleuse, l’homme est au centre, façonné à l’image de Dieu comme être libre, vivant et vivifiant.


Mais le Paradis terrestre n’est pas le monde des bisounours. Car la liberté de l’homme a des conséquences contradictoires : l’homme a pour mission d’être « co-créateur » puisqu’il est invité à donner la vie, à organiser la vie multiforme… Mais en même temps, l’homme a la liberté de faire des choix opposés : plutôt que d’accueillir et de multiplier la vie dans la gratitude, il peut choisir de maîtriser, de prendre le pouvoir et de s’attribuer la connaissance universelle à son seul profit.


Cette description de l’ambivalence de l’homme n’a rien à voir avec le manichéisme encore inexistant à l’époque de la rédaction du texte de la Genèse. Simplement, au 8ème siècle avant Jésus Christ comme aujourd’hui pour chacun de nous, le rédacteur de la Genèse reconnaît que tout homme est à la fois traversé d’énergies créatives et d’énergies destructrices, d’altruisme et d’égoïsme. Il ne s’agit pas de séparer le monde entre les bons et les méchants, il s’agit d’interroger notre ambivalence : c’est le même cœur qui peut aimer ou haïr, la même main qui peut frapper ou caresser, le même regard qui peut encourager ou fusiller…


Cette ambivalence met immédiatement fin au monde des bisounours et au rêve de Paradis. L’homme en sort pour se retrouver face à sa réalité et à celle du monde : il a la capacité et la responsabilité d’apprendre à canaliser ces énergies.


L’homme sort du paradis

pour quitter la domination destructrice

et pour s’atteler à poursuivre

une création inachevée.

Dans ce contexte, la vie humaine ne se déroule plus entre le paradis et l’enfer. L’homme n’est plus une marionnette entre les mains d’un Dieu qui le manipulerait à sa guise. L’homme libre a la capacité d’apprendre à canaliser ses pulsions ambivalentes. L’homme libre fait ses choix destructeurs ou constructifs.


Dans un monde complexe et divers, l’homme libre a toutes les capacités nécessaires pour s’adapter, pour apprendre, pour exercer ses talents, pour progresser. L’homme n’est fait ni pour le paradis, ni pour l’enfer : il est fait pour la vie et pour un bonheur à construire en le partageant.


Dans les religions païennes du 8ème siècle avant Jésus Christ, Dieu était celui qui manipulait le monde et les humains à sa guise. L’humain n’est qu’un objet

Dans les religions païennes d’aujourd’hui, des croyants font des rituels pour éloigner le dieu de l’orage ou pour s’attirer les bonnes grâces du dieu de la pluie ou de la fécondité. L’humain n’y est qu’une victime


Dans certaines pratiques religieuses d’aujourd’hui, on entend des prières où on demande à Dieu de guérir les malades, de procurer du pain à ceux qui n’en ont pas, ou de faire réussir à un examen, ou de me faire savoir ce que je dois faire dans telle circonstance. L’humain y est déresponsabilisé.


La nouveauté de la Création du monde dans la Genèse et de la foi dans la Bible jusqu’à Jésus-Christ est la suivante : c’est l’homme qui est responsable de la vie et de l’avenir de la planète, c’est lui qui la préserve ou qui la gaspille, c’est l’homme qui instaure le dialogue et la négociation ou la violence et la guerre. Et Dieu est une source d’amour, en toutes circonstances accessible et bienveillant.


Nous n’avons plus à choisir entre le paradis et l’enfer. Car entre les deux s’ouvre une voie royale : celle de la vraie vie : il s’agit de s’engager sur la voie royale de la poursuite de la création et de la créativité :

  • la voie royale des scientifiques qui décodent et perfectionnent les beautés du monde ;

  • la voie royale des philosophes qui pensent et traduisent la complexité du monde ;

  • la voie royale des artistes de tous poils qui expriment la beauté et la diversité du monde ;

  • la voie royale des agriculteurs qui permettent à la terre de produire ses fruits ;

  • la voie royale des artisans qui aménagent et facilitent la vie quotidienne…

  • Et vous pouvez continuer la liste...

Il ne s’agit plus de prendre le pouvoir et de s’approprier, mais d’explorer, de respecter et de permettre à chaque élément de donner le meilleur de lui-même.


C’est exigeant, c’est exaltant, c’est créatif…

Ainsi va la création par le cœur et la main de l’homme.


Sans ignorer les contraintes et les embûches toujours possibles quand la liberté de l’homme est dévoyée, n’y a-t-il pas là de quoi redonner du sens et de l’envie ?


Marc THOMAS

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