Le pardon
Dernière mise à jour : 8 août 2022
PARDONNER QUAND J’AI ÉTÉ BLESSÉ
Parmi les personnes que j’écoute,
beaucoup me disent leurs difficultés à pardonner.
Souvent ces personnes ont été blessées…
Blessées par des paroles de mépris, de moquerie, d’accusation…
Blessées par des gestes violents, par des viols, du corps et du cœur…
Blessées par des ruptures, des trahisons, des abandons…
Et je les entends dire souvent :
« je devrais pardonner, mais je n’y arrive pas. »
Si vous commencez par le pardon, c’est normal que vous n’y arriviez pas !
En effet, quand vous avez une blessure physique à une jambe, que faites-vous d’abord ?
Vous soignez votre blessure, vous la désinfectez et la protégez.
Ensuite seulement, vous allez regarder et éventuellement réparer ce qui vous a blessé.
Vouloir pardonner d’abord,
ça serait aller réparer ce qui vous a blessé en laissant votre sang couler de la plaie !
Dans les catastrophes ou les violences qui atteignent des personnes,
d’abord la société propose un accompagnement psychologique pour les victimes,
afin que les victimes puissent parler de leur douleur, de leur souffrance, de leur détresse.
Puis la société va organiser un procès en justice,
et tout le monde sait l’importance qu’une violence soit jugée et sanctionnée
qu’une réparation soit imposée au coupable,
pour que les victimes soient soulagées et puissent se libérer…
Ce n’est qu’à la fin de ce processus que va pouvoir venir peut-être le temps du pardon.
Pour pouvoir pardonner à l’autre,
commençons donc par prendre soin de nous
et soigner nos blessures,
commençons par parler de ce que ça nous a fait,
de notre bouleversement.
En faisant ce travail, nous pourrons mieux distinguer
la violence subie et l’impact sur nous :
parfois il s’agira d’une vraie violence de l’autre,
et nous serons vraiment victimes… Parfois, nous découvrirons que l’autre n’avait pas l’intention de nous blesser,
mais que ce qu’il a dit ou ce qu’il a fait a eu un gros impact sur nous,
parce que ça a touché en nous un point fragile…
La cicatrisation commence quand nous faisons ce travail sur nous…
La douleur commence à diminuer ; alors seulement on pourra envisager un pardon…
LE SACREMENT DU PARDON
Nous avons parfois réduit le sacrement du pardon
à la confession de nos péchés et à une « pénitence » à accomplir.
Comme si l’essentiel de ce sacrement était de faire la liste de nos péchés.
Or dans la théologie catholique,
le sacrement du pardon nous invite à regarder d’abord
non pas nos péchés, mais l’amour de Dieu.
Un Dieu qui cherche la brebis perdue, et qui la prend sur ses épaules…
Un Père qui attend sur le pas de la porte le retour de son fils prodigue…
Un Dieu qui accueille la femme adultère
et qui va loger chez Zachée le voleur…
Pas pour les excuser, mais pour les transformer par son amour !
Alors le sacrement du pardon,
ce n’est plus : « je m’excuse »… Ce n’est plus : « je m’accuse »
Ce n’est même plus : « je vais me confesser »
car en allant me confesser, je reste encore centré sur moi et mes fautes
alors que Dieu m’attend sur le pas de la porte pour m’enserrer dans son amour !
Le sacrement du pardon, ce n’est plus « me confesser »,
c’est me centrer sur un Dieu d’amour,
c’est confesser l’amour de Dieu sur moi quoi qu’il arrive,
c’est une confession d’amour qui nourrit une confession de foi !
Autrement dit : pour pouvoir nous reconnaître pécheurs de manière juste,
il faut d’abord reconnaître et proclamer la bonté de Dieu,
confesser sa « miséricorde », c’est-à-dire son cœur « accordé » à toute misère.
Devant lui, comment pourrions-nous donc nous sentir coupables
ou redouter sa punition ?
Le coupable fuit ou s’accuse.
Le pécheur se retourne vers l’amour qui le précède.
Ce retournement se dit aussi « conversion ».
Et donc face à cet amour, je peux me retourner
et trouver l’énergie de changer ce qui en moi est contraire à la vie et à l’amour !
Dans la parabole de l’enfant prodigue (Luc 15),
le Père est depuis longtemps sur le pas de sa porte à attendre le retour de son fils.
« Il s’est usé les yeux à son métier de Père » écrit Paul Baudiquey
qui a longuement médité sur le tableau du Prodigue de Rembrandt.
Dès qu’il aperçoit son fils au loin, ce Père court à sa rencontre jusqu’à s’essouffler,
tellement pressé de le serrer dans ses bras, et de fêter son retour
en le revêtant de la robe baptismale immaculée malgré sa faute.
Le fils prodigue ne peut même pas faire les aveux qu’il avait prévus ;
son Père ne lui laisse pas dire qu’« il ne mérite plus d’être appelé son fils ».
Il lui avait suffi de se retourner vers la maison de son Père ;
dans ce retournement, il avait puisé l’énergie de se relever et de se remettre en marche :
ainsi lui-même s’était remis dans la bonne direction ;
pourtant, il croyait son Père prêt à le juger,
mais il n’a même pas le temps de se confesser en disant
« Père j’ai péché contre le Ciel et contre toi »
il découvre la miséricorde qui le précède et le restaure comme fils bien-aimé.
De même Zachée : Jésus fait le premier pas et s’invite chez lui, (Luc 19, 1-10)
au grand dam de tous les responsables religieux de l’époque
qui crient au scandale de le voir aller loger chez un pécheur.
Et Zachée ne fait pas la liste de ses fautes.
il exprime sa volonté de changer
« Voici, Seigneur : je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens,
et si j’ai fait du tort à quelqu’un, je vais lui rendre quatre fois plus. »
De même le bon larron crucifié à côté de Jésus.
Avez-vous remarqué ce qu’il dit ?
Il ne reste pas centré sur lui pour dire la liste de ses péchés et de ses crimes,
il se tourne vers Jésus « Souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. »
C’est une confession de foi et une confession d’amour
qui surgit du fond de sa misère.
Et la réponse est immédiate et sans pénitence :
« Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. » (Luc 23, 42-43)
Il n’y a que le jeune homme riche, encore trop attaché à ses biens,
qui ne peut pas encore se retourner et que Jésus laisse à sa liberté
de repartir « tout triste car il avait de grands biens »
Tel est le chemin du pardon de Dieu : l’homme choisit de vivre,
gardant la liberté de partir et de revenir,
de se perdre puis de se retourner et de se remettre en état de marche.
Cette liberté détruit définitivement les fausses images d’un dieu-gendarme
Dans cette liberté se découvre à nous l’Amour
par lequel nous sommes accompagnés depuis toujours, y compris au cœur de nos fautes.
« Venez à moi, vous tous qui ployez sous le poids du fardeau,
et moi je vous soulagerai ! » (Mt 11, 28)
C’est toujours une histoire d’amour !
Tel est aussi le chemin de tout pardon humain.
Marc THOMAS - octobre 2021
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