Libres au cœur des contraintes
- Marc THOMAS
- il y a 13 minutes
- 5 min de lecture
Dans nos rythmes de vie parfois effrénés, dans les contraintes de toutes sortes qui nous obligent, nous aspirons souvent à plus de liberté, pour respirer enfin à notre rythme.
En cette période de vacances, ça fait du bien de privilégier ce droit fondamental d’être libres, d’avoir des moments sans contraintes, de pouvoir voyager ou nous laisser aller à nos passions. En cette période de vacances il est aussi légitime de se laisser le droit de ne rien faire... Mais croire que la vraie vie consiste à ces périodes de liberté sans contraintes et que tout le reste du temps n'est que subi, cela ne s'appelle pas la liberté, mais de la résignation.
Je pense à ce qu’écrit Frédéric LENOIR en 2020 dans son livre Vivre dans un monde imprévisible : Notre plus grande liberté réside dans la manière dont nous pouvons réagir à un événement extérieur qui nous contrarie.
Je pense encore à la discussion d’il y a quelques jours avec mes amis Elodie et Nicolas. Elodie évoquait tous ces jeunes qui n'ont eu ni contraintes, ni repères, qui ont cru par les écrans que tout est possible et que je fais ce que je veux quand je veux… et Élodie pointait à quel point cela était vecteur de déstructuration identitaire et de violence...
Pour bien pousser un arbre a quelques contraintes : être dans un terreau et un climat qui lui convient, avoir de l'eau et de la lumière, au départ avoir un tuteur ni trop souple (sinon il va partir dans tous les sens) ni trop serré (sinon il sera étouffé).
Si pour moi la liberté consiste
à faire ce que je veux, quand je veux, comme je veux…
alors je m’illusionne, car je ne suis pas libre.
Je suis en effet l’esclave de mes pulsions,
de mes lubies, de mes envies, de mes caprices
changeant selon les moments,
suivant le sens des vents aléatoires et contraires
comme une girouette qui a perdu le Nord.
On dit : « La liberté s’arrête là où commence celle des autres »
Si c’était vrai, alors je serais dépendant et soumis
ou en compétition pour agrandir mon espace au détriment de l’autre.
La liberté c’est mon pouvoir de choisir
et ma responsabilité à assumer :
peser le pour et le contre
prendre en compte les opportunités et les risques,
envisager les différentes solutions
tenir ensemble mes désirs, mes objectifs, mes projets
reliés à l’environnement du monde et de mes relations
comme l’arbre a besoin de la forêt pour s’épanouir librement
Être libre, c’est aussi apprendre à se protéger :
mieux vaut se protéger des cyclones et fuir les pervers narcissiques
que les affronter en face.
Mais les cyclones météorologiques et les cyclones relationnels existent :
être libre c'est apprendre à s'en protéger et à y adapter nos conditions de vie.
La vraie liberté consiste à tracer sa route au milieu des repères et contraintes
que la vie, le monde, la société, l'histoire nous présentent à tout moment.
Être libre, c'est choisir de s'adapter au monde dans lequel nous sommes,
c’est faire avec les contraintes sans nous détourner de notre projet,
et se servir des contraintes et imprévus rencontrés
pour développer notre créativité et ainsi affiner et améliorer notre projet.
La vraie liberté consiste aussi à faire avec notre propre histoire :
l’un porte un handicap, l’autre a eu un accident,
un autre est marqué d’une blessure d’enfance qui l’empêche d’être lui-même,
certains réussissent, d’autres sont en échec.
Être libre, c’est assumer ce que nous sommes, c’est faire avec,
sans nous résignation ni vantardise, sans ressasser, sans se lamenter ni jouer les gros bras, La liberté, c’est chercher à réparer ce qui peut l’être,
La liberté, c’est apprendre de nos échecs pour changer de posture,
La liberté, c’est valoriser nos ressources pour qu’elles fructifient.
LIBERTÉ ET RESPECT DE LA LIBERTÉ DE L’AUTRE
L’article 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 rappelle que cette liberté imprescriptible a toujours à s’articuler au respect de l’intégrité et de la liberté de l’autre :
Art. 4. La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi.
Ainsi par exemple :
J’ai le droit de vivre ma sexualité et mes pulsions selon mon désir et mon plaisir…
Mais la loi m’interdit d’abuser un enfant, de violer une femme,
d’imposer mes pratiques à qui que ce soit sans son consentement
de me promener nu en dehors d’espaces protégés...
J’ai évidemment le droit de boire de l’alcool,
et personne ne peut restreindre ma consommation dans ma vie privée.
Mais la loi interdit l’état d’ébriété dans la sphère publique
la violence sur mes proches quand je ne me contrôle plus.
Et celui qui conduit, c’est celui qui ne boit pas...
J’ai évidemment le droit de faire la fête chez moi avec ma famille et mes amis.
Mais la loi encadre les nuisances sonores et interdit le tapage nocturne….
J’ai évidemment le droit d’être en colère et de manifester mon agacement.
Mais la loi m’interdit de frapper et de casser…
J’ai évidemment le doit de vendre des produits,
Mais je dois pouvoir prouver qu’ils sont sans risque et la loi le vérifie.
Au temps du Covid, j’avais aussi le droit de ne pas me protéger du virus par le vaccin ou les gestes barrières.
Mais la loi m’interdisait de voyager librement et de m’approcher d’une population à risque.
Cliquer sur le texte ci-dessous pour écouter Florent PAGNY / Ma liberté de penser
LE CHOIX DE VIVRE ENSEMBLE
Il s’agit toujours d’une équation difficile car il faut tenir ensemble des pôles opposés :
Protéger à la fois la liberté de chacun, et le bien commun de la population…
Ecouter à la fois ceux qui ont peur et ceux qui aiment l’aventure…
Tenir ensemble les projets individuels et la solidarité collective…
Parce que nous ne vivons pas sur une île déserte,
nous sommes tous confrontés à ces mises en tension.
La violence arrive lorsque nous privilégions un aspect et ignorons l’aspect opposé,
lorsque nous nous mettons au centre et ignorons ou écrasons l’autre,
lorsque c’est « moi d’abord » et « je m’en fous des autres »
lorsque tous les moyens sont bons pour parvenir à mes fins...
Si nous ne prenons en compte que « ma liberté inaliénable »
sans débattre ensemble de l’impact de mes décisions sur les droits des autres,
ce n’est plus de la liberté mais du passage en force,
ce n’est plus un droit d’être soi, mais un acharnement à être soi tout seul.
Être libre, c’est possible, à condition de marcher sur deux jambes :
· l’affirmation de soi, sans agressivité,
· et l’adaptation à l’autre, sans soumission.

Nous marchons si souvent sur une seule jambe,
et à cloche-pied, nous ne pouvons qu’avoir mal et stagner !
C’est le temps de l’entraînement,
sur deux jambes pour atteindre ensemble les sommets
libre de choisir mon chemin
ET libre de choisir les meilleures manières de m’adapter à la réalité…
Marc THOMAS
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