N'attends pas des autres qu'ils dictent ta conduite
- Marc THOMAS
- 27 juin
- 5 min de lecture
Avec Jean Sulivan
Je poursuis cette série de 4 émissions inspirées de Jean SULIVAN : vous pouvez lire ou entendre les deux premières sur mon Blog :
De l’épreuve surgit la liberté
Des mots semés à cultiver en paroles de vie
Je souhaite aujourd’hui vous partager quelques textes de Jean Sulivan, la plupart extraits de son livre « Parole du Passant ». Je les regroupe sous le thème : « N’attends pas des autres qu’ils te dictent ta conduite », cherche plutôt ce qui surgit en toi.
IL Y A DEUX TYPES DE COMMUNICATION
Je dis souvent que je n’aime pas le mot « enseignement », très à la mode actuellement dans certains contextes chrétiens. C’est pour cela que j’appelle mon blog et mes émissions : « Parole semée (qui n’a pas de valeur en soi mais seulement par le terreau qui l’accueille et le jardinier qui veille sur sa croissance). Donc Parole semée suivi de « paroles partagées », au pluriel, car seul ce partage révèle toutes les facettes et toutes les interprétations, comme dans un vitrail où la diversité de forme et de couleurs fait chanter l’unique lumière qui le traverse.
Voici comment Jean Sulivan exprime cela :
Il y a deux types de communication :
L'une qui agence des idées, tend à « catéchiser », à donner des recettes. Elle peut bien chercher à conscientiser : c'est encore une forme de conditionnement, dans le temps même où elle parle de vie intérieure. C'est une voie d'extériorité. On analyse, on prouve. « Mettez-vous bien cela dans la tête. » « Appliquez-vous à imiter. » « Par exemple, la vérité
est ceci, cela et encore cela : donc…» Ce donc est dangereux... D'où chez ceux qui n'en restent pas au jeu des idées une bonne volonté touchante, de belles intentions qui peuvent aller avec la tension, la mauvaise conscience, le sentiment de culpabilité : car les idées évoluent dans l'abstrait de la perfection et l'action concrète ne peut jamais totalement les réaliser. D'où je ne sais quelle tristesse qui va avec la raideur. Par exemple encore : « Voici le tombeau vide, la pierre roulée, le fait de la résurrection : donc, je dois croire...» Autrement dit tout commence par se passer dans la tête. La tête donne des ordres au corps. (…)
Le second mode de communication est précisément de type plus terrien et corporel : je l'appelle évangélique. Il ne s'agit plus d'avoir des idées, de s'en imprégner, de s'exciter dessus mais de se convertir. Ce qui veut dire changer de vie, rejoindre le centre de soi-même. Pour l'Évangile, il n'y a pas de système d'idées, d'idéologies, il n'y a que des individus-personnes, chacun unique, infiniment précieux.
La liberté est au cœur du message. Toute invitation ou conseil ou commandement suppose le passage par l'intériorité. Jamais la soumission qui est au bord du pharisaïsme.
Dans l'espace chrétien un homme n'a pas d'ordre à recevoir. C'est la société qui cherche à dompter. (…) Mais l'Évangile dit : « Je ne vous appellerai plus des esclaves, vous êtes mes amis. » Non, l'Évangile n'est pas théorique, il est pratique, c'est-à-dire mouvement et gestes issus d'une énergie vitale. Ce qui est entendu ne peut être reçu passivement, répété ou exécuté. Ce qui est entendu ne peut être qu'assimilé, transformé en soi, devenir parole ou acte, la même chose et différente à chaque fois. C'est parce que le monde chrétien ne va pas jusqu'au bout de cette logique spirituelle (en sautant le relais des consciences à la manière des idéologies) que l'on a tant l'impression d'avoir affaire à des haut-parleurs, à des répétiteurs quand ce n'est pas à des commissaires du peuple, et que tant de fidèles sincères et généreux donnent le sentiment d'être faits de pièces et de morceaux en exécutant des consignes du sein d'une sorte de culpabilité. Il faut bien se comporter ainsi puisqu'on est chrétien.
A vrai dire l'illumination et la conversion ne surviennent généralement qu'après un passage : ce peut être une blessure du corps et de l'âme, un amour heureux ou malheureux qui dépouille, une expérience mystique, une mort... Alors vous savez, non plus seulement notionnellement mais viscéralement, que vous êtes une créature pauvre, irrémédiablement seul même au sein de vos affections. Mais paradoxalement la mort n'est plus au bout du chemin, et c'est alors que vous ressuscitez à la joie de vivre, décrispé, détaché. Vous devenez présent à vous-même, à autrui, aux instants. Cela ne signifie pas que les difficultés disparaissent, les petites inquiétudes. Mais vous êtes sur un sol ferme. L'action de grâce s'exprime dans votre vie. Votre parole devient pleine. Vous êtes devenu capable d'une vraie communication. (Parole du Passant, pages 49-52)

LA FOI : RÉVÉLATION DE TA VALEUR INFINIE, DE TA LIBERTÉ SOUVERAINE, INALIÉNABLE
Je rencontre souvent des personnes qui s’interrogent sur la foi. Certaines attendent avec impatience les discours du Pape, les homélies des prêtres, les définitions du catéchisme auxquelles elles pensent qu’il faut adhérer.
D’autres personnes rejettent les discours de l’Eglise qu’ils trouvent déconnectés de la vraie vie ou trop moralisants ou culpabilisants. D’autres disent ne plus y trouver les réponses à leurs questions sur le sens de leur vie.
Pour ma part, je ne dis jamais d’emblée ce qu’est la foi des chrétiens. Mais je commence toujours par demander « en quoi vous croyez ? », pas seulement à propos de Dieu et de la religion, mais « à quoi vous croyez dans la vie, dans votre métier, dans vos passions, dans vos relations, etc. » Ensuite seulement, pour celles et ceux qui le souhaitent, il est possible de mettre en résonnance cette foi bien incarnée dans leur vie avec la foi de l’Evangile de l’Incarnation.
Voici comment Jean Sulivan exprime cela :

Le christianisme de ce temps s'intéresse à beaucoup de choses : tant le « traditionaliste » que le « progressiste ». Le premier s'occupe de contraception, d'avortement, etc., l'autre de projets sociaux. Et pourquoi pas ? Ce sont deux formes d'« incarnationnisme » qui tentent par des principes, des lois ou des idéologies de donner une image de la foi, de la faire entrer par suggestion ou pression dans les consciences.
Agissant ainsi on procède à la manière des pouvoirs. On oublie que le salut est individuel et que la théologie de la Croix est au cœur de l'Évangile. La théologie de la Croix va contre l'action par suggestions et pressions sociologiques. Elle dit que tout pouvoir qui tente de se substituer aux consciences particulières, en évitant pour ainsi dire le relais intérieur, est condamné. La mort de Jésus-Christ sur la Croix contredit toute forme de pouvoir spirituel. Ce qui ne veut pas dire que l'autorité spirituelle n'a pas de réalité. Mais qui dit autorité ne dit pas pouvoir. Qui dit autorité dit surcroît de vie, création, liberté. C'est toujours le fond des consciences qu'il faut atteindre : là où jaillit la liberté.
Dans cette perspective, ce qui importe d'abord n'est pas de christianiser le monde, de l'organiser en fonction des principes chrétiens par toutes sortes d'industries destinées à tenir les hommes, à les rendre dociles afin de donner une image cohérente de la société religieuse qui agirait par son prestige et sa puissance ; ce qui importe d'abord, c'est de rendre possible à chaque conscience la révélation de sa valeur infinie, de sa liberté souveraine, inaliénable ; et par là de rendre possible la révélation de la Croix et de la résurrection.
Dans cette perspective le salut des hommes est aussi sur la terre, lié à leur vie concrète et personnelle, à l’humble bonheur des jours, signe et avant-goût du corps glorieux. (Parole du Passant, p. 111-112)
Et je termine par deux citations de Jean SULIVAN dans son livre Parole du Passant :
La vérité même devient préjugé
dès qu’elle ne germe plus dans une conscience
et n’est pas réchauffée à la chaleur d’une expérience. (p. 136)
Ni dénigrer, ni mépriser, ni détruire :
susciter le mouvement intérieur qui déblaie, laboure,
l’érection de l’âme pour les nouvelles saisons. (P. 125)
Marc THOMAS
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