Ossements desséchés, vous vivrez
Bonnes fêtes de Pentecôte à chacune et chacun de vous !
Je ne vais pas vous faire un discours théorique sur l’Esprit Saint,
ni seulement vous inviter à prier pour que l’Esprit Saint agisse en vous…
Je voudrais regarder avec vous ce qui se produit concrètement dans nos vies, dans le monde et dans l’Eglise quand nous laissons s’exprimer l’Esprit vivifiant qui nous habite. Et pour décrire cette action de l’Esprit dans nos vies d’hommes et de femmes et dans nos groupes humains, je vais utiliser les textes bibliques qui sont proclamés dans toutes célébrations de ce jour.
Je le ferai sur trois émissions dans les trois prochaines semaines :
- Un Esprit vivifiant pour chacun : Ossements desséchés, je vais faire entrer en vous l’esprit, et vous vivrez (Ez 37, 1-14)
- Un Esprit pour le monde : Tous nous les entendons parler dans nos langues des merveilles de Dieu (Ac 2, 1-11)
- Un Esprit de Corps pour l’Eglise : Tous baptisés pour former un seul corps (1 Co 12)
OSSEMENTS DESSÉCHÉS, VOUS VIVREZ !
L’une des premières lectures proposées pour la liturgie de la messe de la veille au soir de la Pentecôte est tirée du livre du Prophète Ézéchiel. Elle m’a profondément touché par son actualité. Lisez ou écoutez :
La main du Seigneur se posa sur moi, par son esprit il m’emporta et me déposa au milieu d’une vallée ; elle était pleine d’ossements. Il me fit circuler parmi eux ; le sol de la vallée en était couvert, et ils étaient tout à fait desséchés.
Alors le Seigneur me dit : « Fils d’homme, ces ossements peuvent-ils revivre ? » Je lui répondis : « Seigneur Dieu, c’est toi qui le sais ! » Il me dit alors : « Prophétise sur ces ossements. Tu leur diras : Ossements desséchés, écoutez la parole du Seigneur : Ainsi parle le Seigneur Dieu à ces ossements :
Je vais faire entrer en vous l’esprit, et vous vivrez. Je vais mettre sur vous des nerfs, vous couvrir de chair, et vous revêtir de peau ; je vous donnerai l’esprit, et vous vivrez. Alors vous saurez que Je suis le Seigneur. » (Ez 37, 1-13).
MORTS VIVANTS
J’ai parfois l’impression que nous sommes comme des ossements desséchés : perclus de rhumatismes et de rancœurs, envahis d’aigreurs et de récriminations, fatigués d’épuisements et de burnout, assommés d’anti-dépresseurs et de pression familiale ou sociale, anxieux de l’avenir et de nos impuissances, méfiants des virus et méfiants les uns des autres, désespérés de l’humanité et de nos échecs… et je pourrais continuer la liste…
Morts-vivants, ossements desséchés, écoutons ce message :
Je vais faire entrer en vous l’esprit, et vous vivrez. Je vais mettre sur vous des nerfs, vous couvrir de chair, et vous revêtir de peau ; je vous donnerai l’esprit, et vous vivrez.
JE VAIS METTRE SUR VOUS DES NERFS
Nous qui sommes si souvent énervés… dont les synonymes sont : horripilé, exaspéré, irrité, agacé, impatienté, excédé, ramolli, crispé…
Comme si on nous avait enlevé nos nerfs… Mais à quoi servent les nerfs ? Une définition scientifique : Cordon blanchâtre composé de fibres nerveuses, conduisant les messages moteurs du système nerveux central vers les organes, et les messages sensitifs et sensoriels en sens inverse. (Dictionnaire Larousse). Bref les nerfs assurent la transmission dans les deux sens entre le cerveau et les organes… Etre é-nervé, c’est avoir perdu le contrôle.
Comment remettre sur nous des nerfs ? Comment retrouver le contrôle ? Je pense à toutes ces personnes en colère qui ravalent leur colère et deviennent dépressives, ou au contraire qui transforment leur colère en violence.
La plupart du temps, face à des personnes en colère ou en grande souffrance, nous leur disons :
« calme-toi, il n’y a pas de raison de te mettre dans cet état là ! » ou bien : « ne t’inquiète pas, ça va s’arranger »… mais en général ça ne marche pas ! Ça nous énerve même davantage…
Et si au contraire, nous leur disions : « C’est quoi cette colère ? Qu’est-ce qui te met en colère ? » ou bien : « qu’est-ce qui te fait si mal ? ». Non pas les inviter à refouler leur colère, non pas minimiser leur colère en disant qu’il n’y a rien de grave, non pas les laisser accuser les autres, mais les inviter à exprimer ce que ça leur fait.
C’est cela, remettre des nerfs sur ces personnes : c’est les inviter à exprimer leur colère sans projeter la colère sur l’autre par des accusations ou de des actes violents, mais en exprimant ce qu’elles ne supportent pas, ce qui leur fait mal… Ou à exprimer leur souffrance et à laisser couler leurs larmes non pour se noyer dans des lamentations sans fin, mais pour vider le trop plein…
JE VAIS VOUS COUVRIR DE CHAIR
Des ossements desséchés, c’est un squelette qui n’a plus de chair ni de sang !
Notre corps est fait d’os et de chair, du squelette rigide qui permet de tenir debout, et de chair souple (comprenant les articulations) qui permettent de bouger, de s’adapter, de se toucher avec douceur…
Dans un hymne de la liturgie de Pentecôte, les chrétiens chantent ceci :
Lave ce qui est souillé, baigne ce qui est aride, guéris ce qui est blessé.
Assouplis ce qui est raide, réchauffe ce qui est froid, rends droit ce qui est faussé.
Dans la Bible, « L'homme-chair, c'est l'homme naturel ou psychique avec son intelligence, ses sentiments, ses passions, ses désirs poussant à l'action, sa volonté, son activité personnelle, son enveloppe matérielle = son corps… « La chair » (est) envisagée comme l'ensemble des ressources de la personnalité humaine. »
(Extrait de https://topbible.topchretien.com/dictionnaire/chair/ )
La chair parle donc de tout ce qui nous rend humain. Parfois même la Bible utilise l’expression « toute chair » pour parler de l’humanité dans son ensemble.
Couvrir de chair, c’est remettre de la souplesse et des valeurs humaines au milieu de nos rigidités desséchées.
Je pense à cette personne très active qui me disait récemment : « je me sens de plus en plus lourde… Je me sens ployer toujours plus sous le poids et l’accumulation… et ça m’entrave de plus en plus. » Je lui ai répondu : « Quand c'est trop lourd, la seule solution est de déposer... En développement personnel on parle de lâcher prise... ce qui ne signifie pas abandonner... Et quelques jours après cette personne m’envoyait un poème écrit de sa main sur la joie de la légèreté.
Couvrir de chair : assouplir, alléger, ajuster, lâcher prise, humaniser, prendre soin… comme Dieu lui-même agit pour l’homme :
« Je le guidais avec humanité, par des liens d’amour ; je le traitais comme un nourrisson qu’on soulève tout contre sa joue ; je me penchais vers lui pour le faire manger. » (Os 11, 4).
JE VAIS VOUS REVÊTIR DE PEAU
La peau qui protège, qui couvre, qui permet le contact. La peau comme une limite :
à la fois elle sépare et permet le contact des corps ;
à la fois elle individualise et met en relation.
Revêtir de peau : symboliquement, il s’agit de protéger l’intimité de chacun.
Donner un coup de couteau ou se scarifier, c’est toujours blesser et franchir la limite.
Souvent nous nous sentons envahis, nous prenons sur nous, nous laissons l’autre franchir les limites de notre intimité, parfois jusqu’au viol…
Parfois, nous sommes « à vif » comme une chair sans peau, et tout contact devient insupportable et douloureux.
Être revêtu de peau, c’est prendre soin de soi, protéger son intimité, retrouver la juste distance qui garantit mon intégrité, sortir des relations toxiques…
Je pense à cette personne qui a subi pendant des années l’agression physique et sexuelle de l’homme qui voulait la posséder… Je pense à ces personnes qui se murent dans le silence d’une soumission imposée… Je pense à ces personnes « à vif » dans leur travail ou dans la vie familiale tellement les relations sont toxiques et insupportables…
Etre revêtu de peau, c’est parfois appeler au secours, aller chercher la protection d’une association qui protège les victimes. C’est aussi aller parler chez une personne qui va m’écouter sans me juger, chez qui je vais pouvoir par ma parole désinfecter mes plaies à vif et retrouver ma dignité et mon intégrité…
JE VOUS DONNERAI L’ESPRIT, ET VOUS VIVREZ
Tout ce que nous venons d’exprimer et de ressentir, c’est cela l’action de l’Esprit Saint, bien incarné dans nos vies d’hommes et de femmes, dans nos postures humaines et dans nos rencontres régénérantes. Ça ne tombe pas du ciel de façon magique !
Aujourd’hui dans nos vies et dans nos rencontres, nous pouvons faire la même expérience que les Apôtres décrite dans l’Evangile du jour de la Pentecôte :
Alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs, Jésus vint, et il était là au milieu d’eux.
Il leur dit : « La paix soit avec vous ! » (Jn 20, 26).
Jésus nous rejoint là où nous sommes verrouillés, non par miracle, mais par l’intermédiaire de telle personne ou de tel événement, par une parole ou un acte libérateur qui nous pacifie. Oui « la paix soit avec vous », sur votre chemin, grâce à vos choix pour sortir du marasme et à vos rencontres apaisantes !
Marc THOMAS
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