Dieu est fragile
« Le Puissant fit pour moi des merveilles...
Il s'est penché sur son humble servante... » Lc 1, 46-56
Comme une infirmière
penchée vers le malade
pour l'écouter et le soigner,
Dieu est au chevet de l'humanité.
Notre Dieu est un Dieu qui s'approche,
un Dieu qui se fait proche.
Déjà le livre du Deutéronome
décrivait cette expérience :
« Cette loi que je te prescris aujourd'hui
n'est pas au-dessus de tes forces ni hors de ton atteinte.
Elle n'est pas dans les Cieux... elle n'est pas au-delà des mers...
Elle est tout près de toi, cette Parole,
elle est dans ta bouche et dans ton cœur
afin que tu la mettes en pratique. » (Dt 30, 11-14)
Avez-vous entendu ce que dit la Bible :
cette Loi n’est pas hors de notre atteinte… Elle n’est pas dans les Cieux…
Elle est dans nos bouches et dans nos cœurs… !
Et nous, nous cherchons Dieu au ciel !!!
Pas étonnant que nous ne le trouvions pas !
Ou alors, si nous croyons le trouver,
ça risque bien de l’être que nos projections que nous trouvons :
la recherche de la puissance…
l’attente d’un miracle qui résolve nos problèmes…
la souffrance de notre culpabilité…
Depuis Jésus, fils de l’Homme et fils de Dieu, le ciel est vide !
Ca vous choque ? Remplacez le mot ciel par « Univers » :
c’est le vrai sens du mot « ciel » appliqué à Dieu !
Dieu universel ! Dieu en tous et en chacun,
y compris dans celui que je ne supporte pas…
Nous sommes les « sacrements » de sa présence, car Dieu se manifeste
à travers nos ressources et nos choix, à travers nos paroles et nos actes
quand nous devenons humains, quand nous humanisons le monde…
L’Evangile parle de talents à ne pas enfouir !
Dieu de l’Incarnation, Dieu de tous les jours,
et non de l’évasion dans des spiritualités désincarnées !
Dieu n'est pas puissant à la manière des hommes :
déjà il se révélait à Elie le prophète
dans le souffle d’une brise légère, et non dans la bourrasque ni l’orage.
Sa puissance toujours « se souvient de son amour ».
L'humble, l'affamé, le serviteur - Marie en est le portrait –
connaissent bien cette puissance là,
cet amour fait de délicatesse qui ne se déploie que dans la fragilité.
Dieu humble
L’un des plus beaux livres du Père Varillon est intitulé « l’humilité de Dieu ».
Notre Dieu est un humble :
né sur la route, dans la nuit, déposé dans une mangeoire…
Il a pour seule richesse l'amour de Marie et de Joseph,
et la reconnaissance des petits que sont les bergers.
Il n’est qu’un petit enfant, au sens premier du mot latin « in-fans » :
celui qui n'a pas la parole, lui, le Verbe créateur dont la Parole fait exister.
Pendant trente ans il restera silencieux, simplement humain, humblement humain :
en lui Dieu marche au pas de l'homme.
Alors « élevé de terre, il attirera tout à lui. » (Jn 12, 32)
Dieu affamé
Jésus mange avec les petits, les pauvres et les pécheurs,
il n'a pas une pierre pour reposer sa tête.
Fatigué par la route, il se désaltère à la rencontre de la Samaritaine ;
pleurant la mort de son ami Lazare, il est bouleversé d'une émotion profonde.
En lui, Dieu a faim de l'homme, Dieu est en attente.
Dieu serviteur
« Venu pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude » (Mt 20, 28),
il fuit le succès facile :
quand les foules le font roi, il se retire au désert,
dans le silence et la solitude, avec « son Père qui est là dans le secret » (Mt 6, 6).
Son Royaume est une graine à semer,
une brebis perdue,
du levain dans la pâte.
Son trône est une croix.
« Il est venu chercher et sauver
ceux qui étaient perdus » (Lc 19, 10)
« Jésus, souviens-toi de moi
quand tu seras entré dans ton Royaume. »
(Lc 23, 42)
Toute puissante fragilité
Humble, affamé, serviteur :
ainsi Dieu manifeste sa puissance, ainsi Dieu sauve.
Quel espoir pour l'homme, pour tout homme !
Humbles, affamés, serviteurs de toutes conditions, notre Dieu est l'un de nous :
« il élève les humbles, il comble de biens les affamés, il relève Israël son serviteur. »
Aujourd'hui comme hier et toujours, « il se souvient de son amour » ;
aujourd'hui et chaque jour, « il nous a choisis pour servir en sa présence »
(Prière eucharistique II).
Pour vivre au monde et donner corps au salut de Dieu,
nous n'avons pas d'autres moyens que ceux qu’il a choisis :
nos fragilités et nos silences ;
notre présence discrète et nos mains offertes ;
l'amour fragile de tous les couples signe de l'alliance de Dieu avec l'humanité ;
le célibat fragile pour signifier le Royaume…
Tout cela n'est pas grand-chose : quelle disproportion devant l'ampleur du salut de Dieu !
Et pourtant depuis la nuit de Noël et la nuit de Pâques,
seul ce « pas-grand-chose » révèle la puissance
d'un Dieu humble, affamé, serviteur, un Dieu sauveur !
Même l’Eglise pécheresse devient son Corps et le sacrement de sa présence ;
nos assemblées de pécheurs prêtent leurs voix pour que Dieu parle ;
du pain, du vin, de l'eau, de l'huile...
font communier à sa vie et à son salut dans les sacrements...
Dans la pauvreté des signes,
la toute-puissance de son salut se manifeste et se réalise.
Aujourd'hui comme hier,
« le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire... » (Jn 1, 14).
Si tu veux voir Dieu,
ne te tourne pas vers le ciel,
tourne toi vers toi-même et tes frères !
Si tu veux accueillir le salut,
ne t’accuse pas d’être pécheur,
mais accueille l’amour qui te rejoint
d’abord dans tes fragilités et tes blessures…
C’est ça, Noël !
Marc THOMAS
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