Dieu n'est pas un magicien

Marc THOMAS
2 mai
4 min de lecture

Dernière mise à jour : 3 mai

Dieu... mais quel Dieu ?

Je vois souvent des textes de prière ou des commentaires transférés sur Facebook par des chrétiens. Et parmi ces textes, beaucoup m’interrogent et me font dire que le Dieu de l’Evangile que je connais ne ressemble pas à ces prières dont raffolent certains chrétiens.

Lorsque j’écoute des personnes qui me demandent un accompagnement, souvent pour traverser une période difficile de leur vie, certains chrétiens me semblent se soumettre ou se résigner à une prétendue volonté de Dieu qui n’a rien à voir avec l’Evangile. De plus, cette manière de croire, dévalorisante et culpabilisante, devient un obstacle à leur libération, alors que l’Evangile ne parle que de salut et que Jésus passait son temps à relever les petits et les malades !

J’ai beaucoup de respect pour ces personnes qui prient de cette manière, et j’admire souvent leur fidélité dans la durée. Mais j’ai envie aujourd’hui d’interroger certaines de leurs prières pour ouvrir quelques pistes plus libératrices et qui, je le crois, présenteront un visage de Dieu plus conforme au Dieu de l’Incarnation tel que l’Evangile le présente.

DIEU N’EST PAS UN MAGICIEN

Voici d’abord une prière publiée sur Facebook à la veille du cyclone Garance fin février :

Les dégâts des cyclones Chido à Mayotte et Garance à la Réunion, les morts, les destructions, les maisons et les voitures englouties, les terres ravagées, celles et ceux qui ont tout perdu sont la meilleure preuve qu’une telle prière n’est pas exaucée… parce que ni Marie ni Dieu n’ont le pouvoir d’aller contre les éléments terrestres… ni même contre nos propres violences destructrices !

Ce sont les païens qui attribuent à leurs dieux le pouvoir de foudroyer, de noyer ou d'écraser, ou de détourner miraculeusement les effets dévastateurs des cyclones ou de la violence des hommes... Cela n'a rien à voir avec le Dieu de la Bible !

La seule Toute-Puissance est celle de l’Amour, et comme nous le savons, l’amour ne peut jamais imposer, mais seulement proposer ! Les parents le savent bien…

Il est temps de revoir le contenu de nos demandes et de nos prières !

D’autant plus qu’en faisant croire que Dieu peut tout, on suggère que si Dieu ne me protège pas du malheur, c’est qu’il me punit parce que je suis coupable. Cette croyance s’est développée dans des périodes et des contextes où les hommes de pouvoir se servaient de Dieu pour imposer l’esclavage et pour condamner les récalcitrants. Certains aujourd’hui peuvent encore se servir de cela pour faire peur aux gens et les maintenir sous leur influence. Mais c’est tellement contraire à toute la Bible et à tout l’Evangile !

Nous risquons d’endormir les gens en leur laissant croire que Dieu peut remplacer la responsabilité et la solidarité humaine..

Dieu ne maîtrise pas les dysfonctionnements de la nature ou les exactions des humains. C’est l’homme qui en a la capacité et les compétences, et la responsabilité d’en protéger les humains.

Voici un autre texte vu sur Facebook (en rose à gauche) et mes questionnements (à droite)

Oui, pour les croyants, Dieu est source de vie et d’amour.

Mais ce texte semble dire que c’est Dieu qui fait tout…

Il ignore les intermédiaires, et la participation des humains…

Dieu n’est pas le seul à me soutenir et à me protéger

Et quand mon entourage ne me soutient pas et ne me protège pas,

la protection divine est souvent bien impuissante…

Nos prières qui attribuent tout à Dieu ignorent l’autonomie humaine,

parce que Dieu a créé l’homme et la femme autonomes, libres et capables d’aimer.

Alors que reste-t-il à Dieu dans tout cela ?

Il reste en permanence la rencontre et l’échange

entre un Dieu qui n’est qu’amour disponible

et des humains autonomes pour aimer ou pour haïr

des humains autonomes pour réparer leurs erreurs et leurs errements

des humains autonomes pour s’entraider et se soutenir…

Dans cet esprit, je souhaite vous partager des paroles de Etty Hillesum (1914-1943). Cette jeune intellectuelle juive d’Amsterdam (Pays-Bas) est une femme libre, audacieuse, passionnée par les langues, les arts, les sciences humaines et… les hommes, déportée a Auschwitz.

Son histoire nous est parvenue grâce au journal intime qu’elle a tenu de 1941 à 1943 avant sa déportation.

Etty Hillesium a eu d’abord une vie de jeune femme dévergondée, puis elle s’est mise à l’écoute de son intériorité et petit-à-petit s’est transformée, est devenue très fraternelle avec son entourage y compris dans les camps de la mort. Et voici ce qu’elle écrit :

« Il y a en moi un puits très profond. Et dans ce puits, il y a Dieu. Parfois je parviens à l’atteindre. Mais plus souvent, des pierres et des gravats obstruent ce puits, et Dieu est enseveli. Alors il faut le remettre au jour.

Etty Hillesum découvre peu à peu que la vie spirituelle consiste en cela : faire tendre tous ses efforts à dégager la source intérieure sans cesse présente mais si facilement obstruée. « Je vais t’aider, mon Dieu, à ne pas t’éteindre en moi, mais je ne puis rien garantir d’avance. Une chose cependant m’apparaît de plus en plus claire : ce n’est pas toi qui peux nous aider, mais nous qui pouvons t’aider – et ce faisant nous nous aidons nous-mêmes. » Etty Hillesum, dans La Croix, le 14/03/25