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Traverser l'inacceptable

Photo du rédacteur: Marc THOMASMarc THOMAS


Il nous est arrivé à tous d’être confrontés à l’inacceptable : le cyclone à Mayotte, les attentats, la violence qui tue dans nos familles, le viol d’un enfant ou d’un adulte, l’accident mortel, la mort d’un enfant, la trahison d’un proche…

Il nous est arrivé à tous de vaciller, d’être laminés…

Peut-on s’en relever ?


 

ACCEPTER L’INACCEPTABLE

Un texte de Charlotte CELLIER, En Pleine Conscience

 

« Accepter l'inacceptable, c'est comme se retrouver face à une tempête que l'on n'a jamais imaginée, une onde de choc qui bouleverse tout sur son passage. C'est ce moment où l'on comprend que la vie ne sera plus jamais la même, que quelque chose d'irréversible s'est produit.

 

Au début, il y a la révolte, le refus viscéral de croire que cela a pu arriver. On cherche des réponses, on questionne l'univers, on se demande pourquoi, pourquoi nous, pourquoi maintenant. Mais les réponses ne viennent pas, et l'inacceptable reste là, comme une ombre que l'on ne peut dissiper.

 

Puis vient le moment où l'on réalise que résister ne fait qu'accentuer la douleur. C'est un moment de déchirure, où l'on comprend que pour survivre, il faut faire l'impensable : accepter.

 

Accepter ne veut pas dire approuver ou comprendre, ni même trouver un sens à ce qui semble insensé. Accepter, c'est reconnaître que la réalité est telle qu'elle est, aussi cruelle soit-elle.

 

C'est un acte de courage, un pas vers la guérison, même si cette guérison semble lointaine. C'est apprendre à vivre avec une absence, avec une blessure qui ne se refermera peut-être jamais complètement. C'est trouver en soi la force de continuer, même avec le poids de l'inacceptable sur les épaules.

 

Accepter l'inacceptable, c'est accepter que certaines réponses n'existent pas, que certaines blessures resteront à jamais, mais que malgré tout, il est possible de continuer à vivre, à aimer, et à trouver une nouvelle forme de bonheur, même si celui-ci est teinté des cicatrices du passé. »


CONSENTIR et INTÉGRER L’INACCEPTABLE

 

Très beau texte, très juste, qui ne peut être vraiment « ressenti » que par celles et ceux qui ont traversé le drame et l'inacceptable.

 

Il est d’abord nécessaire de nommer l’inacceptable, de crier la douleur et la révolte… sans dire trop vite de paroles de consolation qui sonnent toujours faut à ce moment.

 

L’empathie d’abord, dans la douleur et le fracas, première étape nécessaire pour traverser l’inacceptable. Ensuite seulement peut commencer un long chemin qui permettra de traverser l’inacceptable.

 

Dans le texte précédent, Charlotte CELLIER parle d’ « accepter l’inacceptable ». Je partage l’esprit de son texte, mais ce mot « accepter » m’interroge et je n’oserais pas l’employer devant des personnes laminées par la vie. Plutôt que « accepter l’inacceptable », je préfèrerais dire « consentir à l’inacceptable » : plutôt que ruminer sans fin les dégâts qu’il a produits et ce que j’aurais pu faire pour l’éviter, « consentir », c’est-à- dire étymologiquement « me sentir avec » cet inacceptable, consentir à sa réalité, consentir à la souffrance déclenchée, consentir à l’inacceptable qui demeure en moi, puis découvrir et consentir à ce qu’il a transformé en moi… Consentir, c’est-à-dire vivre avec, sans le laisser m’envahir, mais consentir à ce qu’il soit là, consentir à ce qu’il ait pris place dans ma vie.

 

« Consentir » puis encore un autre mot, pour une autre étape restauratrice  : « intégrer l’inacceptable ». L’intégrer, c’est-à dire reconnaître et faire une place en moi à cet inacceptable : intégrer à la fois ce qui est arrivé et l’impact que cela a eu en moi. Intégrer cet inacceptable comme une réalité que je ne pourrai plus changer, et intégrer la trace, la cicatrice, la blessure qu’il a laissée en moi. Lui faire une place en moi, intégrer ce qu’il a changé dans mes pensées, mes émotions, mes manières de vivre et de me comporter, dans un regard modifié sur moi-même, sur les autres, sur le monde.

 

Consentir, intégrer,

plutôt que subir l’envahissement toxique des récriminations, du déni, et du combat. 

 

Consentir, intégrer,

c’est la seule manière de ne pas laisser cet inacceptable prendre toute la place.

 

Consentir, intégrer,

vivre avec, lui faire une place, et seulement une place « consentie », chercher à l’intégrer dans ce que je suis, c’est la seule manière de ne pas le laisser envahir tout ce que je suis.

 

Consentir, intégrer,

c’est la seule manière de continuer à vivre, à vivre « avec », mais à vivre pleinement.

 

Celles et ceux qui ont vécu l’inacceptable, et qui ont pu progressivement l’accepter, y consentir et l’intégrer, découvrent même une autre étape : l’inacceptable reste certes blessure sensible, mais il n'est plus un mur auquel on se heurte. Il devient un chemin qui bouleverse l’ordre juste des valeurs et les trésors de la vie, un chemin qui renonce aux bonheurs de pacotille et à tous les masques de l’artificiel.


PRENDRE LE TEMPS DE SORTIR DE L’INACCEPTABLE

 

Ecoutez ce très beau texte écrit par Frida Kalho artiste mexicaine née en 1907 et décédée en 1954. Une femme qui a souffert toute sa vie de paralysie d’abord, immobilisée définitivement par un accident à la colonne vertébrale, puis atteinte de

gangrène. Ce texte est extrait de la page Facebook : La vie est belle.

 

 

Donnez-moi du temps...

Je ne sais pas quand, mais je sais qu'un jour, je redeviendrai moi-même.

Je ne sais ni comment ni par quel chemin j’y parviendrai.

Je ne sais pas encore quelle version de moi émergera,

ni comment je regarderai le monde,

ni même de quoi seront faites mes journées.

Mais ce dont je suis certaine, c’est que je retrouverai mon essence.

Pas la même qu’avant, non... mais ce sera bien moi.

 

Donnez-moi du temps... J’en ai besoin.

 

Il me faut d’abord me relever, reprendre mon souffle,

puis, doucement, pas à pas, recommencer à avancer.

Il me faut me retrouver, rassembler les morceaux éparpillés,

assembler les fragments et accepter l'absence de cette pièce manquante.

 

J'ai besoin de paix... De calme...

Moins de peurs, moins de chaos,

moins de pensées qui tourbillonnent dans ma tête.

 

J'ai besoin de guérir...

De faire taire le bruit du monde, de décrocher,

de déposer ce sac à dos trop lourd,

car parfois, il pèse bien plus que je ne peux le porter.

 

Je sais aussi qu’il me faudra pleurer un peu moins,

laisser entrer un peu plus de lumière,

apprendre à sourire à nouveau,

et, peut-être, ressentir à nouveau la douceur de la vie.

 

J'ai besoin d'être à nouveau moi...

 

Et je le serai.

Oui, je le sais.

Un jour, je me retrouverai.

Mais d'ici là... Donnez-moi du temps.

 

 

QUAND L’INACCEPTABLE DEVIENT RESSOURCE

 

Nous connaissons tous des personnes qui ont vécu de grandes souffrances, qui ont traversé l’horreur et qui sont aujourd’hui des icônes. Si nous avons-nous-même traversé l’inacceptable, nous savons combien les petits bobos qui alimentent les récriminations quotidiennes sont devenus pour nous mesquins.

 

Ces belles personnes qui ont traversé l’inacceptable, ces belles personnes au visage balafré mais souriant, dégagent une vraie sensibilité, une intériorité lumineuse, une présence discrète et forte….

 

Ces belles personnes nous accueillent et nous accompagnent avec une vraie empathie quand nous traversons l'épreuve à notre tour, quand nous ne savons plus où nous sommes, ou quand nous cherchons du sens dans l'adversité...  

 

Même les boursouflures d’un tronc d’arbre violenté par les tempêtes et l’agression des hommes contribuent à la beauté de cet arbre.

 

LA FOI EN DIEU PEUT-ELLE NOUS AIDER A TRAVERSER L’INACCEPTABLE ?

 

Peut-être, à deux conditions :

 

  • Se libérer de l’image d’un Dieu pervers qui nous enverrait ces situations inacceptables pour nous éprouver ou qui nous punirait ainsi de nos fautes. Comment ce Dieu sadique pourrait-il être un Dieu d’amour ? Pour tenir ces fausses croyances il faut n’avoir jamais lu la Bible qui nous présente sans cesse un Dieu libérateur, un Père capable de souffrir lui-même pour nous sortir de toute misère

 

  • Accompagner la douleur et la révolte avant d’annoncer l’espérance

 

Dans la paroisse où j’ai travaillé longtemps en banlieue de Nancy, je me souviens d’une famille qui a perdu son bébé de la mort subite du nouveau-né. Je suis allé chez eux, j’ai vu l’enfant, j’ai pris dans mes bras ses parents et frères et sœurs. Le père n’était pas croyant et ne voulait pas entendre parler de religion. Pourtant, une semaine après, il est venu me voir et m’a dit : « j’ai été bouleversé par ce que vous avez dit devant le petit mort dans son berceau. ». Je ne me souvenais que de mon émotion et pas de mes paroles. « Oui, me dit-il, vous avez dit : « c’est révoltant ! C’est scandaleux ». D’autres à ma place auraient pu tout de suite parler de Dieu qui aime et qui accueille cet enfant, ou d’espérance de se retrouver un jour. Je n’ai pas pu le faire, et ce père et cette famille n’auraient pas pu l’entendre ! Et le père incroyant de continuer : « quand vous avez dit ça, j’ai compris que vous m’aviez compris ! Alors maintenant, vous pouvez me parler de votre Bon Dieu. »

 

Il nous faut peut-être demander aux pompiers et aux Services d’urgence comment ils accompagnent les populations pendant le cyclone, plutôt que de se contenter de paroles consolantes quand le cyclone est passé !

 

Marc THOMAS – février 2025

                                                                                     parole-semee@orange.fr 


COMMENT CROIRE ENCORE EN DIEU DANS LA TRAVERSÉE DE L’INACCEPTABLE ?

 

Des profondeurs je crie vers toi Seigneur (Psaume 129)


Les païens, certains chrétiens et certains incroyants pensent que Dieu punit et que nos détresses sont la conséquence de nos fautes. D’autres croient en un Dieu d’amour, mais ils continuent à passer leur temps à s’accuser, à se reprocher, à s’imposer toutes sortes d’épreuves qu’ils pensent nécessaires pour amadouer Dieu et se faire pardonner.

 

Ces postures n’ont rien à voir avec la foi chrétienne. Elles ont été inspirées par la peur qui habite l’homme devant l’inacceptable, ou par de soi-disants maîtres spirituels qui veulent prendre le pouvoir sur les consciences et soumettre les humains à leurs désirs de puissance.

 

Ecoutez le psaume 129 et le commentaire qui en est fait par des religieux dominicains


 

Des profondeurs je crie vers toi, Seigneur, Seigneur, écoute mon appel ! Que ton oreille se fasse attentive au cri de ma prière ! Si tu retiens les fautes, Seigneur, Seigneur, qui subsistera ? Mais près de toi se trouve le pardon pour que l'homme te craigne.

J'espère le Seigneur de toute mon âme ; je l'espère, et j'attends sa parole.

 

Mon âme attend le Seigneur plus qu'un veilleur ne guette l'aurore. Plus qu'un veilleur ne guette l'aurore, attends le Seigneur, Israël. Oui, près du Seigneur, est l'amour ; près de lui, abonde le rachat. C'est lui qui rachètera Israël de toutes ses fautes.

 Commentaire par des religieux dominicains


 

C'est sans doute le psaume le plus connu de tous les chrétiens, c'est aussi l'un des sept psaumes de la pénitence, la prière de ceux qui se sentent coupables. Ceux-là se sentent en-dessous de tout, au bas de l'échelle, en situation d'infériorité dans les 'profondeurs', conséquence de leur 'chute'.

 

De même que les lépreux, les pécheurs, tous ces gens de rien que Jésus croise sur les routes de Galilée, toute cette 'racaille' que méprisent les grands prêtres et les pharisiens, tous ont le droit de l'appeler au secours, de 'crier vers Dieu' . Même si la foule leur donne l'ordre de se taire. Conscients de leur fautes, ils savent en même temps que Dieu pardonne.

 

Dieu ne 'fait pas payer', mais se laisse au contraire toucher par la détresse, parce que son alliance avec son peuple est placé sous le signe de l'amour. Ce mot hébreu 'hesed', désigne un lien que rien ne peut remettre en cause 'car l'éternel est son amour' comme répète 26 fois le psaume 135.

 

D'où cette confiance qui est celle du veilleur qui attend l'aurore avec la certitude du retour de la lumière. Cette lumière sur le visage du Christ est capable d'aller briller au fond des cœurs même les plus obscurs, les plus enfoncés dans le malheur. Et ce sera le salut de tout un peuple, 'Il rachètera Israël de toutes ses fautes ». Pas seulement moi, mais moi avec tous les autres : il sera 'Dieu avec nous' ; en Hébreu 'Emmanuel'.

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