Prier avec les défunts
- Marc THOMAS
- 31 oct.
- 8 min de lecture
à l'occasion du 2 novembre
Pourquoi, le lendemain de la fête de la Toussaint, l’Eglise nous invite-t-elle à prier pour les défunts ? Serait-ce que nos défunts, ceux que nous avons connus et aimés, ne sont pas encore des saints et qu’il faudrait prier et multiplier les messes et les offrandes pour qu’ils le deviennent ?
Eh bien non ! Selon la parole officielle de l’Eglise catholique, cette journée n’est pas une journée de prière POUR les défunts, mais (c’est l’appellation officielle du 2 novembre) une journée de « commémoration de tous les fidèles défunts ». Commémoration, autrement dit « Journée du souvenir ». Comme on parle de commémoration en France le 8 mai et le 11 novembre, quand on rallume la flamme du soldat inconnu, journées où l’on se souvient de ceux qui sont morts pour la France et où on les honore.
De même, le 2 novembre, nous ne prions pas pour que nos défunts soient accueillis par Dieu, comme s’il fallait nos prières et nos sacrifices pour que Dieu leur ouvre la porte. Au contraire, le 2 novembre, nous faisons mémoire, nous commémorons nos défunts, leur vie, leurs épreuves, leurs joies, leur amour, tout ce qu’ils ont vécu et tout ce que nous avons vécu avec eux. C’est une journée du souvenir, non pour qu’ils soient sauvés, car ils le sont déjà, mais simplement pour les honorer et leur hommage !
C’est pour cela que j’ai intitulé ce texte : « Prier AVEC les défunts » et non pas « Prier POUR les défunts ».
Certains d’entre vous sont peut-être dubitatifs en me lisant. D’autres se disent : c’est encore Marc Thomas qui veut nous partager ses idées, mais ce n’est pas cela que l’Eglise dit.
Oui, c’est ma conviction profonde que Dieu ne marchande pas son salut au nombre de prières et de sacrifices que nous faisons pour nous ou pour nos défunts. Oui c’est ma conviction que, si Dieu est amour, il nous aime et nous rejoint jusque dans notre part sombre et dans notre péché, qu’il est toujours là à nous attendre et à guetter avec amour notre retour, comme le Père de l’Enfant prodigue, que Dieu plonge avec nous même dans l’horreur comme Jésus est descendu aux Enfers pour aller prendre par la main celles et ceux qui y étaient emprisonnés.
Bien sûr ce sont mes convictions. Peut-être certains d’entre vous les interrogent et se demandent si je n’interprète pas la foi de l’Eglise. Alors j’ai accepté l’interrogation, et je suis allé sur le site officiel du Vatican, pour chercher comment l’Eglise, dans ce qu’elle a de plus officiel, présente cette journée du 2 novembre. Et je vous partage maintenant l’intégralité de ce que dit le Vatican sur cette commémoration de tous les fidèles défunts.

Déjà au IIe siècle, il existe des témoignages que les chrétiens priaient et célébraient l'Eucharistie pour leurs défunts. D'abord le troisième jour après l'enterrement, puis le jour de l'anniversaire. Puis le 7e jour, le 30e. L'année officielle est 998, lorsque l'abbé Odilon de Cluny (994-1048) rendit obligatoire cette mémoire du 2 novembre dans tous les monastères qui lui étaient soumis. En 1915, Benoît XV accorda à tous les prêtres le droit de célébrer plusieurs messes ce jour-là, à condition que l'offrande reste pour une seule messe. La liturgie propose plusieurs messes en ce jour, qui visent toutes à mettre en lumière le mystère pascal, la victoire de Jésus sur le péché et la mort.
"Tous ceux que me donne le Père viendront jusqu’à moi ; et celui qui vient à moi, je ne vais pas le jeter dehors. Car je suis descendu du ciel pour faire non pas ma volonté, mais la volonté de Celui qui m’a envoyé. Or, telle est la volonté de Celui qui m’a envoyé : que je ne perde aucun de ceux qu’il m’a donnés, mais que je les ressuscite au dernier jour. Telle est la volonté de mon Père : que celui qui voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour" (Jn 6, 37-40).
La volonté de Dieu
Le message révolutionnaire est que celui qui "voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle… et moi, je le ressusciterai". Nous savons par expérience que le corps se décompose : mais le corps n'est pas l'homme tout entier ! L'homme comme personne est un partenaire de dialogue avec Dieu, et Lui ne le laisse pas tomber, il ne l'oublie pas, car Dieu est fidèle à ses promesses. Dieu a écrit chacun de nous dans la paume de sa main, et il n'oublie personne, car il est Père. C'est le cœur du message que Jésus nous a laissé. Pour cette vérité, Jésus s'est fait homme, est mort sur la croix et est ressuscité : pour nous faire participer à la joie de la résurrection : "Donne-leur, Seigneur, et à tous ceux qui reposent dans le Christ, la béatitude, la lumière et la paix", récite-t-on au Canon I de la Messe, au moment du souvenir des morts.
Se laisser surprendre
Il est certain que nous survivrons, Jésus nous l'a dit ! Nous ne savons pas comment cela va se passer, nous ne pouvons que le deviner en écoutant la parole de l'Évangile. Ce qui reste, cependant, c'est l'espoir d'être surpris par la bonté de Dieu, par sa miséricorde. Nous avons nos propres paramètres, avec lesquels nous mesurons les événements de la vie, mais nous devons laisser à Dieu ses paramètres, qui ne sont pas les nôtres : et c'est précisément cela qui nous surprendra lorsque nous franchirons le seuil du Ciel.
Un pas de plus
Mourir, ce n'est pas disparaître, mais être là d'une manière nouvelle. C'est le fait de savoir que ceux qui nous ont précédés ont fait un pas de plus sur le chemin de la vie. Il a atteint le sommet, alors que nous sommes encore sur le chemin de la vie ; il est au-delà de la courbe, alors que nous sommes encore sur le droit chemin. La mort n'est donc pas la fin de tout, mais le début d'une nouvelle vie à laquelle nous nous sommes préparés et que nous préparons depuis un certain temps. La commémoration des morts n'est donc pas seulement un "souvenir" de ceux qui ne sont plus présents, mais un pont qui nous attend au bout de la vie et qui nous conduira vers l'autre rive à laquelle nous sommes tous destinés. Une aide pour ne pas nous laisser noyer par tant de choses, en oubliant que tout passe, mais que Dieu demeure.
Notre sœur la mort
Saint François d'Assise, désormais réconcilié avec Dieu, avec lui-même et avec la création, a pu, vers la fin de sa vie, se réconcilier également avec la mort, au point de l'appeler "sœur", signe que pour lui aussi, elle était un mystère à comprendre et à accueillir. Contrairement à la société actuelle, qui cherche par tous les moyens à cacher la réalité de la mort, se berçant de l'illusion qu'elle est éternelle, saint François nous apprend à la regarder, à la comprendre, à la considérer comme une "sœur", une partie de nous. Après tout, c'est un fait aussi réel qu'existant. C'est un acte d'honnêteté intellectuelle, avant même d'être spirituel. La peur de la "mort de la sœur" est certainement dictée par l'inconnu, par le fait de ne pas savoir ce qui se trouve au-delà de la "porte", ce qui crée un certain malaise. Ensuite, ne nous le cachons pas, nous craignons le "poids" de nos actions, parce qu'en fin de compte nous sommes tous croyants dans l'âme, et à la fin de notre vie nous nous demandons comment nous avons vécu. Cette expérience nous amène à prier pour ceux qui nous ont précédés, presque comme si nous voulions encore les aider et les protéger, tout en demandant à être aidés et protégés.
Une chose est sûre : nous lisons la mort à la lumière de la résurrection de Jésus. C'est notre force et notre sérénité. Il nous a ouvert le chemin qui mène en toute vérité à la vie. Jésus lui-même nous a rappelé que nous sommes faits pour l'éternité : mille ans de notre vie sont comme un seul jour devant Dieu, et ce temps court et fugace de la vie n'a aucun sens s'il n'est pas projeté vers une expérience plus vraie, comme Jésus lui-même nous l'a rappelé : "Celui qui voit le Fils et croit en lui a la vie éternelle".
Une dernière chose. Jésus s'est fait homme pour nous aider à vivre "comme Dieu" ; il est mort, a été enterré et est descendu aux enfers pour que personne ne se sente exclu de son action salvatrice. Pour que je n'aie pas peur et que je ne me sente pas seul et abandonné, à la merci de mes peurs, Jésus lui-même a choisi d'"habiter" chaque lieu, même le plus bas, afin de me "tenir compagnie" à ce moment-là. Il n'y a aucun "espace" de la vie et de la mort qu'il n'ait visité, et cela me donne la certitude qu'il m'accueillera à bras ouverts dans n'importe quelle situation dans laquelle je "tombe» : que ce soit aujourd'hui dans le péché, ou demain dans la mort, il est là. Parce qu'il a vaincu le péché et la mort et a préparé une place pour moi dans la maison du Père. Cela me suffit pour marcher sur le chemin de la vie avec confiance et espérance, "Même si je dois traverser une vallée sombre" (Ps 23), Il est là. Il est avec moi.
Voila donc la doctrine de l’Eglise catholique officielle sur cette journée de commémoration des fidèles défunts.
Certains pourraient me dire cependant que l’Eglise nous invite à prier pour les âmes du purgatoire, afin de les accompagner dans la dernière purification nécessaire à la pleine communion avec Dieu. Peut-être avez-vous remarqué qu’à aucun endroit, ce texte du Vatican ne parle de prière pour les âmes du purgatoire. L 2 novembre est autre chose que la prière pour les âmes du Purgatoire, c’est une commémoration, une fête du souvenir où nous nous honorons nos défunts aimés de Dieu quoi qu’il arrive.
Si vous souhaitez plus d’éléments sur la doctrine des âmes du purgatoire, je vous invite à aller lire un article du Journal La Croix, très bien documenté sur la doctrine officielle de l’Eglise en cliquant sur le lien suivant : https://www.la-croix.com/Definitions/Lexique/Le-purgatoire-4-questions-2019-10-24-1701056281 . J’en retiens seulement une phrase :
« Je perçois le purgatoire comme le chef-d’œuvre de la miséricorde de Dieu, une grande espérance. C’est le salon de beauté du Saint-Esprit. Je le définis aussi comme une expérience mystique de purification passive car tout est clos et c’est Dieu qui agit pour ce qui reste à accomplir. » Cette purification s’impose par la vertigineuse distance entre l’homme et le Royaume des cieux dont parle Jésus, entre le pécheur et le divin. « Le purgatoire ne doit pas être associé à la peur d’un châtiment mais au juste sens de la disproportion entre Dieu et nous »
Jean-Marc Bot prêtre du diocèse de Versailles, auteur de plusieurs ouvrages sur les fins dernières.
En cette journée du 2 novembre, rendons les honneurs à nos défunts, rappelons-nous, commémorons, tout ce que nous avons vécu avec eux, dans l’épreuve comme dans la joie, dans les tensions comme dans l’amour, et réjouissons-nous qu’ils soient aujourd’hui pleinement plongés dans l’amour de Dieu, là même où nous pouvons dès maintenant être reliés à eux.
Je termine en vous lisant à nous veau l’une des dernières phrases du texte du Vatican sur cette journée du 2 novembre :
Jésus est mort, a été enterré et est descendu aux enfers pour que personne ne se sente exclu de son action salvatrice. Pour que je n'aie pas peur et que je ne me sente pas seul et abandonné, à la merci de mes peurs, Jésus lui-même a choisi d'"habiter" chaque lieu, même le plus bas, afin de me "tenir compagnie" à ce moment-là. Il n'y a aucun "espace" de la vie et de la mort qu'il n'ait visité, et cela me donne la certitude qu'il m'accueillera à bras ouverts dans n'importe quelle situation dans laquelle je "tombe": que ce soit aujourd'hui dans le péché, ou demain dans la mort, il est là. Parce qu'il a vaincu le péché et la mort et a préparé une place pour moi dans la maison du Père.

Marc THOMAS









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