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Photo du rédacteurMarc THOMAS

Apprivoiser mon loup




Connais-tu ton loup intérieur ?


Celui qui me « mange » tant d’énergie, celui qui blesse mon moral, celui que j’essaie de faire taire ou de maîtriser… la plupart du temps sans réussite. Pire encore : depuis des années j’essaie de le combattre, et il ne me laisse jamais tranquille… Si je suis catholique pratiquant, je m’en accuse à chaque confession, je cherche à faire pénitence… mais je n’arrive toujours pas à t’en libérer…

Mon loup : mes colères fréquentes, ma violence verbale ou physique, ma dépendance à l’alcool ou à la drogue, mes déviances sexuelles, mes peurs paniques qui m’enferment, la culpabilité qui me ronge, la tristesse et le désespoir qui me figent… et tant d’autres choses encore…


Mon loup : ce défaut qui me perturbe depuis si longtemps, cette addiction qui me fait honte, cet obstacle permanent qui m’empêche d’avancer, cette incapacité qui met à mal la confiance en moi, ce trait de caractère qui altère mes relations… Mon loup, cette part de moi qui m’empêche d’être moi-même et qui me fait faire parfois l’inverse des convictions et des valeurs que je porte… Ce loup intérieur, je sais qu’il peut me faire sombrer…


Mon loup, ton loup, nos loups… Chacun de nous a le sien ou les siens, parfois comme un fil à la patte qui nous attache et nous tient prisonnier de nous-mêmes…


Et pourtant que d’efforts avons-nous faits pour les combattre… Nous avons parfois fait des années de psychothérapie pour les maîtriser ou les éradiquer… mais à la première occasion, nous les retrouvons sur notre route… Et nous finissons par consentir à la présence de ce loup, à l’image dégradée de nous-mêmes qu’il nous renvoie, à nous désespérer de jamais vivre les valeurs que nous portons dans une autre part de nous… Nous pensons alors que nous sommes nés comme ça, que nous sommes comme ça, et que nous n’y pouvons rien…


Et pourtant quelque part, nous savons que ce loup n’est pas moi… nous savons que le meilleur de moi est ailleurs… Mais comment faire pour se libérer de ce loup qui nous enserre comme la toile d’araignée enserre sa proie ?


Il s’agit d’abord d’arrêter de me battre contre mon loup ! Car un homme désarmé n’a aucune chance s’il rencontre un loup : s’il se met à combattre le loup, l’homme désarmé est sûr de se faire croquer ! De même, si tu combats ton loup intérieur, tu es sûr de perdre, car tu t’engages dans un rapport de forces qui n’est pas à ta mesure !


Le loup de Gubbio


Pour mieux comprendre, je vous invite à entrer dans ce conte du Moyen-Age : il s’agit de l’histoire du loup de Gubbio qui est une allégorie nous décrivant une autre manière de traiter ce qui nous fait violence.


Au Moyen Age, les habitants de la ville de Gubbio en Italie étaient terrorisés par un loup qui venait sans cesse croquer leurs brebis : les habitants se mobilisaient pour partir à l’attaque du loup, et plusieurs d’entre eux se sont fait croquer eux aussi !


François d’Assise, passant par-là, constata la terreur des habitants, et choisit une autre stratégie : il s’approcha désarmé du loup et chercha à l’apprivoiser en lui parlant avec douceur. La légende dit que le loup s’assit devant lui, posa sa patte sur la jambe de François comme s’il l’écoutait.


C’est un conte, mais il porte en il une profonde vérité :

si tu te bats contre ton loup, il va te croquer… si tu l’apprivoises, il va te révéler ta pépite…


Écouter et comprendre mon loup

Maintenant, regardons nos combats contre nos loups : mes lamentations d’avant, ma honte et mes efforts pour en sortir ne cachent-ils pas surtout un fantastique espoir de m’en libérer ? Espoir auquel je n’osais pas croire parce que mes combats me menaient toujours à l’échec. Lâche le combat, apprivoise ton loup, c’est le chemin de l’espoir !


Une amie se battait depuis longtemps contre une posture de victime qui ne lui convenait pas. Je lui ai proposé de cesser de se battre, de chercher ce que cette posture de victime cachait ou protégeait… Elle a instantanément découvert l’amour qui l’emplissait… Aujourd’hui, elle est en train de se transformer : son ressenti de victime se transforme en force de libération pour elle et pour celles et ceux qu’elle sent prisonniers d’eux-mêmes comme elle l’était.


Un homme me racontait comment il était depuis toujours traversé d’envies de violence et de punitions sur lui-même. Cessant de se battre contre ces pratiques qui lui faisaient honte, il chercha ce qui se cachait derrière cette honte et ces envies… et il découvrit la tendresse et la douceur dont il était capable pour les autres, et finalement pour lui-même…


Cette jeune fille a fait des études commerciales, mais elle a refusé tout emploi depuis un an, parce qu’elle s’est rendu compte que la dimension commerciale la conduisait à manipuler les gens pour leur faire acheter un produit dont ils n’ont pas forcément besoin. Cherchant ce qui se cache derrière cette manipulation qui la révolte maintenant, elle découvre que c’est son goût pour la relation à l’autre qui l’a conduite à faire des études de commerce. Elle tient à la relation à l’autre, mais elle refuse la manipulation et souhaite se réorienter vers des activités sociales ou éducatives qui lui permettront d’être au service de l’autre et d’accompagner chacun vers la découverte de ses propres ressources.


Apprivoiser mon loup


Toi aussi, mets-toi à l’écoute de ton loup… sans justifier les égarements où il t’a conduit, mais aussi sans les juger… Apprivoise ton loup pour pouvoir écouter le message dont il est porteur.


Mais tu vas me dire : Comment faire pour apprivoiser mon loup ? J’ai tellement de mal à le maîtriser, c’est toujours lui qui gagne… Alors où il me possède et je me laisse entraîner, où il m’écrase et je culpabilise ! Comment faire pour l’apprivoiser ?


Voici trois possibilités à combiner pour apprivoiser mon loup :


- un chemin intérieur de moi avec moi-même : quand je sens mon loup approcher, d’habitude je me crispe, je stresse, ou je plonge dedans en me laissant happer.

Or le chasseur qui veut attraper le loup ou les touristes qui veulent l’apercevoir prennent de la distance : ils se mettent dans une tour de guet ou se protègent dans un véhicule ou par des vêtements pour éviter les morsures...

De même quand mon loup survient : je me protège en tentant de prendre du recul, de le regarder s’approcher comme si j’étais dans une tour de guet, de le regarder sans peur puisque je me protège, mais avec intérêt : qui est-il ? comment est-il ? qu’est-ce qu’il me veut ? qu’est-ce qui m’attire en lui ? qu’est-ce qui me donne envie de le rejeter ? Petit-à-petit, j’arriverai à le regarder de loin, à le laisser passer, à le voir s’éloigner parce que mon regard aura changé, parce que j’aurai accompagné mes attraits et découvert mon vrai désir…


- je m’associe au Petit Prince et au renard : eux aussi voulaient s’apprivoiser. Je peux relire leur histoire ici : https://microtop.ca/lepetitprince/chapitre21.html et me laisser toucher par la scène, y chercher ce qui me ressemble et ce qui résonne en moi.


En relisant cette histoire, je me rappelle que le renard est un danger pour les poules, mais aussi pour les humains auxquels il donne la rage. La seule manière de s’en protéger c’est de s’apprivoiser mutuellement, c’est-à-dire de « créer des liens », avec la patience nécessaire d’une approche étape par étape.


Comme pour le Petit Prince et le renard qui se craignaient et qui étaient un danger l’un pour l’autre, s’apprivoiser me conduira peut-être à découvrir le message que porte ma peur du loup…


- un dialogue en confiance avec une personne qui sait m’écouter et m’accompagner sans jamais juger et sans me donner de conseil, mais en me permettant seulement de mettre des mots – sans aucun jugement - sur mon loup, sur ma honte, sur ma peur, sur mes désirs destructeurs, sur mes aspirations à en sortir…


En parlant avec cette personne, je ne chercherai pas les efforts à faire pour arrêter de me laisser posséder par ce loup. Je l’apprivoiserai en faisant connaissance avec lui : d’où vient-il ? comment il s’est approché de moi ? quel événement ou quel contexte de mon histoire de vie l’ont déclenché ? Ce dialogue me permettra de ne plus me battre contre mon loup, mais de cicatriser la blessure peut-être très ancienne dans laquelle il s’est infiltré pour envenimer et pourrir ma vie…


Enfin, voici deux pistes pour passer du combat à l’apprivoisement :


- Mon loup est peut-être né d’une souffrance

car le loup n’attaque que quand il a peur ou quand il a faim ! Peut-être se venge-t-il d’une souffrance qu’il a subi comme le loup de la fable de La Fontaine qui disait à l’agneau que lui-même n’est pas épargné par les bergers et leurs chiens ! (http://www.la-fontaine-ch-thierry.net/louagneau.htm )

Peut-être ce loup est-il l’expression d’une peur ou d’une blessure transformée en colère et en agressivité… Nous expérimentons souvent qu’une parole blessante ou un acte violent déclenche notre agressivité et notre violence.

Et si mon loup était une vielle blessure à l’âme qui se révolte et qui crie pour qu’on la soigne ?

- mon loup cache peut-être un trésor :

car il est souvent l’inverse de ma pépite : ce que je n’aime pas en moi est souvent l’opposé de ce que j’aimerais devenir.


Plutôt que de combattre ce qui me fait horreur, je peux m’intéresser à ce que serait son contraire. Ainsi je vais apprivoiser mon loup et découvrir la pépite qu’il cache ou qu’il protège.


Je détourne mon regard du loup et je cherche derrière lui la pépite et la ressource cachée, ce trésor que je voudrais tant vivre… Alors progressivement mon loup va se détacher de moi car il a été reconnu, non dans sa violence et son agressivité, mais dans sa souffrance et sa peur !


Mon loup, si je me bats contre lui, il va me croquer… si je l’apprivoise, il va me révéler ma pépite…


Et plutôt que de m’accuser de mes manquements et de mes fautes, je veux chercher derrière eux la lumière cachée et la vie prête à surgir !



Marc THOMAS


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